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« Qu’est ce que l’homme ? Éléments d’anthropologie catholique » : texte intégral

« Qu’est ce que l’homme ? Éléments d’anthropologie catholique » : texte intégral

« Qu’est ce que l’homme ? Éléments d’anthropologie catholique » : texte intégral

Voici le texte inté­gral du doc­u­ment des évêques du Con­seil per­ma­nent. Nous vous invi­tons à lire la pré­face de Mon­seigneur Michel Aupetit, archevêque de Paris, l’introduction rédigée par les mem­bres du Con­seil per­ma­nent, enfin la post­face de Mon­seigneur Jean-Pierre Batut, évêque de Blois.

Préface de Mgr Aupetit : « L’Église a‑t-elle quelque chose à dire aux hommes ? »

 

anthropo exupery « Que faut-il dire aux hommes ? »

C’est par le titre de Saint-Exupéry dans sa Let­tre au général X [1]que je voudrais ouvrir l’ouvrage que les évêques de France pro­posent à la réflex­ion de tous. La ques­tion en entraîne une autre : « Qu’est-ce que l’homme ? ». Le psalmiste oscille entre le sen­ti­ment de l’extrême fragilité de la vie de l’homme et celui de l’émerveillement devant l’inaliénable grandeur de sa vie : « L’homme n’est qu’un souf­fle, les fils des hommes, un men­songe »[2] ; « Tu l’as fait un peu moin­dre qu’un dieu, le couron­nant de gloire et d’honneur »[3] L’homme est un mys­tère de faib­lesse et de splen­deur, tour à tour mis­érable esclave et capa­ble de la lib­erté suprême, celle d’aimer jusqu’au don total de sa vie. Adam n’est que terre, mais il a reçu le souf­fle de Dieu. En tout homme, fût-il le plus obscur, brille le don d’une âme immortelle.

Une autre ques­tion se pose : l’Église a‑t-elle quelque chose à dire aux hommes ? On accuse sou­vent les reli­gions d’être indis­tincte­ment fac­teur de vio­lence. Toute légiti­ma­tion de la vio­lence au nom de la foi chré­ti­enne est en rad­i­cale con­tra­dic­tion avec l’Évangile : « Nous procla­m­ons un Messie cru­ci­fié, scan­dale pour les juifs et folie pour les païens, mais pour ceux que Dieu appelle (…) il est puis­sance de Dieu et sagesse de Dieu »[4]. Le Seigneur a assumé comme prêtre et vic­time la puis­sance du Mal et de la mort pour tout vain­cre dans la lumière de sa résur­rec­tion.  Notre foi en Jésus ressus­cité est solide, attestée par les apôtres qui ont « vu, enten­du et touché » le Verbe de Vie[5]. Elle est proclamée par le peu­ple immense des témoins qui ont engagé leur vie par fidél­ité au Christ, sou­vent jusqu’à la mort.

Pour qui en reste à un regard extérieur, l’Église appa­raît en Occi­dent comme une insti­tu­tion vieil­lie et sec­ouée de scan­dales, qui entrave le mythe d’un pro­grès que l’on invoque sans trop savoir où il mène. Mais l’Église est belle pour­tant dans le vis­age de ses saints, dans l’immense man­teau de ten­dresse qu’elle étend sur le monde, par­ti­c­ulière­ment sur les plus délais­sés des hommes. Elle est « experte en human­ité »[6] car sa foi repose sur l’Alliance de Dieu avec son peu­ple, accom­plie dans l’Incar­na­tion du Christ et le Salut par la Croix, ouvert à la mul­ti­tude des hommes « de toute race, langue, peu­ple et nation ».[7]

L’oubli de Dieu, l’estompement de la con­science de l’éternité dans le cœur de l’homme entraîne l’effacement de la dig­nité humaine. Le drame de l’humanisme athée qui a rav­agé le XXe siè­cle a vu, dans des pro­por­tions jusqu’alors iné­galées dans l’histoire, la mort de l’innocent. La ten­ta­tion prométhéenne demeure. Elle ne pour­ra exaucer les hommes dans leur désir d’une vie éter­nelle. Elle sac­ri­fie les plus frag­iles sur l’autel d’une pré­ten­due moder­nité. Nous procla­m­ons, à temps et à con­tretemps, la dig­nité inal­ién­able de toute vie humaine en ce monde. Jésus, le Fils de Dieu fait homme, est l’amour divin déployé dans la vul­néra­bil­ité de la chair. Une société est vrai­ment humaine quand elle se fait gar­di­enne du plus petit des êtres.

« Il faut imag­in­er Sisyphe heureux »[8]. La parole de Camus sur l’homme con­damné à rouler éter­nelle­ment son rocher est celle de l’acceptation de l’absurde. Avec saint Ignace d’Antioche, nous voulons dire une autre parole : « Il y a en moi une eau vive et qui mur­mure : viens vers le Père »[9]. Lais­sez-moi sim­ple­ment vous pos­er la ques­tion : quelle est votre espérance ? Puisse cet ouvrage vous don­ner de devenir davan­tage ce que vous êtes en vous ouvrant à « Celui qui est », le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, dont la gloire resplen­dit sur la Face du Christ.

[1] A de SAINT-EXUPERY, Que faut-il dire aux hommes, Let­tre inédite au général X, Imprimerie générale du sud-ouest, Berg­er­ac, 1949.

[2] Ps 39.

[3] Ps 8.

[4] I Co 23–24.

[5] Cf. I Jn 1, 1.

[6] Bx PAUL VI, Let­tre ency­clique Pop­u­lo­rum pro­gres­sio, 1967, I, 13.

[7] Ap 5, 9.

[8] Albert CAMUS, Le Mythe de Sisyphe, NRF, Gal­li­mard, 1965, p. 198.

[9] S. IGNACE D’ANTIOCHE, Let­tre aux Romains, 7.

Introduction au document : « qu’il est exaltant d’être humain face aux défis ! »

 

anthropologie 16 L’Église catholique tient à proclamer un « grand oui à la vie humaine » (Con­gré­ga­tion pour la Doc­trine de la Foi, instruc­tion Dig­ni­tas Per­son­ae, 1). Elle défend le développe­ment de la per­son­ne humaine dans toutes ses dimen­sions. L’Église voudrait redire com­bi­en il est exal­tant d’être humain face à ces défis. L’Ecriture le chante :

« Qu’est-ce que l’homme pour que tu pens­es à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moin­dre qu’un dieu, le couron­nant de gloire et d’honneur, tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds » (Ps 8, 5–7).

Aujourd’hui l’homme fait face à de grands défis et à de grandes ten­ta­tions. Le pro­grès donne à l’homme des poten­tial­ités exal­tantes mais crée aus­si des men­aces inquié­tantes. D’une part, il est men­acé par la cat­a­stro­phe écologique, d’autre part cer­tains par­lent de le rem­plac­er par un homme aug­men­té ou même un « post-humain ». Nous nous inter­ro­geons sur sa dig­nité, sa voca­tion, son des­tin dans l’univers. Nous nous effrayons de ses crimes. Beau­coup récla­ment sans cesse de nou­veaux droits qui posent des prob­lèmes redoutables.

C’est pourquoi il a été jugé utile de pro­pos­er quelques pistes de réflex­ion sans doute par­tielles[1] sur ces inter­ro­ga­tions con­cer­nant la per­son­ne humaine, sa beauté, sa dig­nité, son droit de s’accomplir pleinement.

« Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Saint Augustin, Con­fes­sions I, i, 1). Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressem­blance pour l’unir à lui dans l’Amour qui est la vie éter­nelle. L’homme n’est pas fait pour se con­tenter de cette vie-ci, il est appelé à plus grand, en vivant dès main­tenant l’amour. Plus rad­i­cale­ment encore, l’homme ne trou­ve pas sa fin en lui-même, il est appelé à se don­ner aux autres et à Dieu pour s’accomplir. En l’appelant à l’existence par amour, il l’a appelé en même temps à l’amour (Jean-Paul II, Famil­iaris con­sor­tio, 11). Par cet appel, l’homme est une per­son­ne, à la fois intéri­or­ité et rela­tion, il se reçoit tou­jours d’un autre, à com­mencer par l’Autre par excel­lence qu’est le Créateur.

[1] Par souci de méth­ode, les ques­tions économiques et sociales seront très peu abor­dées ici.

Partie I : L’Être humain est une personne

I.1 Créé et appelé par Dieu

 

Anthropologie catholique vignettesCréé et appelé par Dieu, cha­cun de nous est une per­son­ne. Cette affir­ma­tion com­porte une part de mys­tère. La per­son­ne ne peut pas être définie comme un cray­on ou une table parce qu’elle est créée à l’image et ressem­blance de Dieu et porte quelque chose de son mys­tère. Mais il est pos­si­ble de mon­tr­er ce que la per­son­ne pos­sède en pro­pre qui la rend supérieure à toute autre chose.

La per­son­ne est appelée par Dieu à se don­ner libre­ment à lui. Sa lib­erté se déter­mine par sa rai­son. L’exercice libre de la rai­son rend la per­son­ne respon­s­able, apte à écouter sa con­science pour y écouter Dieu, ce qui l’ouvre à la tran­scen­dance. La per­son­ne est appelée tout entière, corps, âme et esprit.

Voir les éclairages du Père Emmanuel Coquet

I.2 Appelé à la liberté

 

Sou­veraine­ment libre et aimant, Dieu ne peut appel­er à s’unir à lui que dans la lib­erté. Il a donc crée l’homme libre. Cette lib­erté s’accomplit par l’amour qui tient dans le don de soi. Cette lib­erté com­porte une insat­is­fac­tion qui pousse l’homme à chercher plus grand que ce monde-ci. La per­son­ne est libre. Ses actes ne peu­vent  s’expliquer com­plète­ment par des caus­es extérieures telles que la géné­tique, son his­toire, le milieu ou la con­fig­u­ra­tion du cerveau. Cha­cun de nous sent bien que ses déci­sions lui appar­ti­en­nent en pro­pre. Cha­cun est vrai­ment maître de sa vie. Cette lib­erté per­met en par­ti­c­uli­er à l’homme de choisir le Bien pour le Bien et non par instinct ou cal­cul stratégique. Cette lib­erté innée, nom­mée libre arbi­tre, pousse l’homme à chercher la lib­erté sociale et poli­tique. Il se révolte con­tre toute forme d’oppression con­traire à sa dig­nité. Mais le libre arbi­tre n’est pas capac­ité indif­férente de faire n’importe quoi. Il n’est pas non plus autori­sa­tion de faire tout ce qu’on veut comme si nos actes ne con­cer­naient que nous. Le libre arbi­tre de´ sire le Bien total. Il est appelé par Dieu à s’unir à Lui dans l’amour. Il se réalise donc pleine­ment par cet amour. La sci­ence a sou­vent ten­dance à nier ce libre arbi­tre en appli­quant à l’homme des mod­èles qui sont val­ables pour l’univers inan­imé. C’est ain­si qu’à notre époque, les neu­ro­sciences se font fortes de percer les mys­tères de l’esprit humain et de démon­tr­er que l’homme est déter­miné par la struc­ture de son cerveau. Sans rien nier des for­mi­da­bles décou­vertes apportées par ces sci­ences, nous ne pou­vons souscrire à cette affir­ma­tion. Mon cerveau ne me déter­mine pas. Quelle que soit leur impor­tance, les biens lim­ités de ce monde ne peu­vent apais­er notre soif. Tous, nous cher­chons un Bien suprême qui nous pro­cure le bon­heur. Notre lib­erté porte en elle une insat­is­fac­tion qui la pousse à chercher autre chose que ce monde-ci et ses biens relat­ifs. La lib­erté de la per­son­ne ne s’accomplit jamais seule. Elle a besoin de s’allier à la lib­erté des autres pour attein­dre sa fin véri­ta­ble qui est le bon­heur. Ce libre arbi­tre est égale­ment besoin de se don­ner. « Il n’y a pas de plus grand amour que de don­ner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). La per­son­ne n’est pas faite pour pour­suiv­re son intérêt de manière égoïste. Elle est des­tinée à s’ouvrir aux autres. C’est ain­si que les régimes d’oppression ont vu se lever des hommes et des femmes prêts au sac­ri­fice suprême pour rétablir la jus­tice. La lib­erté com­porte donc le devoir de respecter la lib­erté d’autrui. La lib­erté de l’homme ne flotte pas en l’air, elle est située. Elle appa­raît dans un lieu et une e´poque, une cul­ture, des con­di­tions de vie. Elle est par là même lim­itée. Lim­itée parce qu’elle est finie, lim­itée par les élé­ments qui l’environnent, lim­itée par la lib­erté d’autrui. En rêvant orgueilleuse­ment de s’affranchir de ses lim­ites, l’homme se détru­it et blesse la fra­ter­nité. En les accueil­lant hum­ble­ment comme un chemin de vérité , il s’accomplit. « Qui s’élève sera abais­sé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 11). La lib­erté ain­si com­prise appar­tient à la beauté de l’homme capa­ble de sur­mon­ter les obsta­cles et d’ouvrir de nou­velles routes de pro­grès humain. Si bien du tra­vail reste à faire, la fin du XXe siè­cle a vu s’effondrer plus d’un régime oppres­sif qui se croy­ait défini­tif. Osons croire en cette lib­erté. L’homme sent bien qu’il est divisé intérieure­ment. S’il se regarde avec hon­nêteté, cha­cun de nous avouera des com­plic­ités avec le mal en lui-même. « Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas » (Rm 7, 19) dit saint Paul. La lib­erté de l’homme a été blessée par le péché. Le péché vient dress­er la volon­té con­tre elle-même. Cette sit­u­a­tion se révèle spé­ciale­ment dans les dif­férentes addic­tions comme la tox­i­co­manie ou la pornogra­phie. Mais avec l’aide de Jésus-Christ, l’homme peut sur­mon­ter cette divi­sion et trou­ver la paix. « Je peux tout en celui qui me rend fort » (Ph 4, 13) dit le meˆme saint Paul.

I.3 Appelé à la vérité

 

La lib­erté n’est pas aveu­gle, elle se déter­mine par la rai­son que Dieu a déposée en l’homme. Par sa rai­son, la per­son­ne est faite pour la vérité. Elle est capa­ble de trou­ver la vérité parce qu’elle est intéri­or­ité. Nous avons tous besoin de la vérité. L’homme ne se sat­is­fait pas des apparences, il veut con­naître la nature pro­fonde des choses. Il désire pos­séder la vérité pour elle-même. Il y a quelque chose d’exaltant dans la décou­verte de la vérité, dans le pro­grès des con­nais­sances  humaines, porté si loin ces derniers siè­cles. La vérité est uni­verselle. Elle est faite pour l’humanité entière. Le besoin de vérité est la source de tout dia­logue. L’amour de la vérité per­met le dia­logue et en même temps le dia­logue sup­pose l’amour de l’autre. Dans l’amour com­mun de la vérité et de l’homme, le dia­logue per­met à cha­cun d’avancer libre­ment. De même, tout homme a droit à la vérité. Les  pro­grammes d’aide sociale envers les plus défa­vorisés doivent com­porter l’éducation pour respecter ce droit à la vérité de tous. La recherche de la vérité sup­pose aus­si l’humilité. Celui qui s’enferre dans ses cer­ti­tudes, son idéolo­gie, se voue à l’illusion. La vérité se trou­ve en accep­tant de grandir et pour cela d’avoir besoin des autres. La parole des plus petits est pré­cieuse, en par­ti­c­uli­er quand elle crie leurs détress­es et leurs espérances, car elle aus­si porte la vérité. C’est pourquoi le men­songe est con­traire à la dig­nité de l’homme. Après des siè­cles très ratio­nal­istes, notre époque est tra­ver­sée de doutes sur les capac­ités de la rai­son humaine. Les échecs du pro­grès, les men­aces nou­velles, le choc des cul­tures, ten­dent à provo­quer un rel­a­tivisme ou un scep­ti­cisme. Cet excès est aus­si mor­tifère que le précé­dent. Nous en arrivons à une ère de la « post-vérité » où de soi-dis­ant « faits alter­nat­ifs » viendraient rem­plac­er le besoin de vérité, ère à laque­lle nous ne pou­vons pas nous résign­er. Main­tenue dans ses justes lim­ites, éclairée par l’amour, la rai­son humaine est vrai­ment capa­ble de con­naître l’univers et de pro­pos­er de nou­velles solu­tions. Elle n’a pas fini de nous émer­veiller. Si la rai­son peut être éclairée par la Révéla­tion, la vérité ultime que cherche l’homme, sur Dieu, sur lui-même, est inac­ces­si­ble à la rai­son, aus­si puis­sante que puisse être celle-ci. Elle a été révélée par le Christ, qui est à la fois « le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6).

I.4 Appelé à la responsabilité

 

L’homme est appelé à répon­dre selon sa lib­erté éclairée par sa rai­son à l’appel de Dieu. Il est donc respon­s­able. S’assumer comme per­son­ne libre sup­pose d’exercer cette respon­s­abil­ité. L’éducation doit veiller à faire naître chez les jeunes ce sens de la respon­s­abil­ité. L’homme est respon­s­able de lui-même, des autres et de l’univers. La cat­a­stro­phe écologique qui nous menace
démon­tre ce point : l’homme a un devoir de bonne gérance sur la créa­tion qui lui a été con­fiée par Dieu. S’il n’assume pas ce devoir, il crée des drames dont il est la pre­mière vic­time. Cet exem­ple de la respon­s­abil­ité écologique démon­tre aus­si que s’assumer libre ne peut pas sig­ni­fi­er suiv­re ses désirs sans
frein, faire comme si l’on é tait seul au monde.
Les actes de cha­cun ont des réper­cus­sions sur tous. Les actes ont aus­si valeur d’exemples.
Par exem­ple, le groupe des évêques chargé de la bioéthique a sig­nalé que le sui­cide assisté ne peut pas être présen­té comme un choix indi­vidu­el sans con­séquence pour les autres.
En choi­sis­sant le sui­cide assisté en rai­son de leur âge ou de leur mal­adie, les per­son­nes font peser sur les autres malades et per­son­nes âgées le soupçon d’être en trop, encom­brantes ou trop coû­teuses. Nous sommes respon­s­ables les uns des autres. En par­ti­c­uli­er, nous sommes respon­s­ables de ceux qui par­mi nous souf­frent le plus ou sont blessés dans leur humanité.
Nous ne pou­vons pas regarder ailleurs et faire comme si cela ne nous con­cer­nait pas.
Mais l’aide indis­pens­able que nous leur devons doit aus­si respecter leur lib­erté et les aider à exercer leur pro­pre responsabilité.
Notre époque a des prob­lèmes avec la respon­s­abil­ité. Elle oscille entre la ten­ta­tion de dére­spon­s­abilis­er l’homme, de le laiss­er à sa lib­erté abais­sée au rang de caprice, et celle de désign­er des boucs émis­saires. D’un côté,
l’idée d’une lib­erté lais­sée seule à elle-même sans loi induit la fin de toute respon­s­abil­ité devant les autres et Dieu. De l’autre, les drames qui font la une des jour­naux imposent qu’il y ait un respon­s­able et comme l’époque ne sait plus exercer cette respon­s­abil­ité, elle revient sous des formes folles en
lyn­chant un indi­vidu pris presque au hasard pen­dant que les autres se lavent les mains de prob­lèmes qui sou­vent relèvent de l’ensemble de la com­mu­nauté. En réal­ité, la respon­s­abil­ité est l’exercice plénier de la liberté.
Dieu a lais­sé l’homme à son pro­pre con­seil, non pour qu’il suive aveuglément
ses instincts qui ne suff­isent pas à éclair­er entière­ment ses choix, mais pour qu’il puisse se don­ner aux autres et à Lui-même en toute
lib­erté. C’est pourquoi cha­cun de nous répon­dra de ses actes devant Dieu. L’Évangile man­i­feste que ce juge­ment dernier portera sur la con­duite envers les plus petits :
« Ce que vous faites au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25, 40).
Nous ne serons pas jugés sur des per­for­mances extra­or­di­naires mais sur
notre sol­i­dar­ité avec les plus petits.

I.5 Conscience et Loi naturelle

 

La respon­s­abil­ité de l’homme est sa réponse à l’appel de Dieu. C’est pourquoi l’homme est doté d’une con­science morale, un sanc­tu­aireintérieur où Dieu lui par­le, où il juge ses pro­pres actes, se louant quand il fait le bien, se con­damnant quand il fait le mal. Dans cette con­science, Dieu y a déposé la loi morale. Cette loi morale, qui est appelée loi naturelle, n’est pas la loi de la nature au sens des ani­maux. Du point de vue de l’homme, il est sans intérêt de savoir si la monogamie ou l’homosexualité exis­tent chez les ani­maux (d’ailleurs, les ani­maux ne con­nais­sent pas l’interdit de l’inceste). La loi naturelle est la loi de la nature humaine, qui dit ce qu’il est bon que l’homme fasse pour trou­ver le bon­heur. Cette nature humaine ne s’oppose pas à la cul­ture, car il est de la nature de l’homme de génér­er des cul­tures. L’homme a le devoir de tou­jours suiv­re sa con­science. Il ne doit pas en être empêché par les autres tant que cela ne nuit pas à l’ordre pub­lic juste. Très spé­ciale­ment, l’homme doit être lais­sé libre de suiv­re sa con­science en matière religieuse, car se don­ner par con­trainte à Dieu est indigne et de l’homme et de Dieu. Mais la con­science est mar­quée par le péché. Elle peut être obscur­cie par des habi­tudes mal­saines du groupe ou par l’accumulation des péchés per­son­nels. Un enfant qui grandit dans un milieu où le vol est habituel trou­vera nor­mal de vol­er. Un indi­vidu qui s’est habitué à men­tir n’y ver­ra plus de dif­fi­cultés. Il faut éclair­er la con­science par la voix de la sagesse et l’écoute de la Parole de Dieu. C’est par­ti­c­ulière­ment la respon­s­abil­ité des édu­ca­teurs, à com­mencer par les par­ents. Mais la voix de la con­science ne s’éteint jamais com­plète­ment, car elle est la voix même de Dieu. Ne deses­per­ons jamais de per­son­ne ! Toute per­son­ne humaine est capa­ble d’à nou­veau écouter sa con­science pour revenir au Bien.

I.6 Ouverture à la transcendance

 

Parce qu’elle est dotée d’une con­science où Dieu lui par­le, la per­son­ne est ouverte à la ques­tion religieuse. Depuis les orig­ines, les civil­i­sa­tions humaines réfléchissent à la sig­nifi­ca­tion de l’univers, à la des­tinée finale de l’homme, et à l’existence de Dieu. Ces recherch­es ont été mar­quées de bien des manières par le péché mais elles prou­vent que l’homme est tourné vers le tran­scen­dant. Cette ouver­ture à la tran­scen­dance n’est pas l’apanage d’une élite. Tout au long de sa vie ter­restre, Jésus a man­i­festé com­bi­en les petits, les pau­vres sont égale­ment habités du désir de ren­con­tr­er Dieu et que jus­tice leur soit ren­due. L’ouverture à la tran­scen­dance appar­tient à tout homme.

Voir les éclairages du Père Emmanuel Coquet

I.7 Corps, âme et esprit

 

L’homme est appelé à répon­dre selon sa lib­erté éclairée par sa rai­son à l’appel de Dieu. Il est donc respon­s­able. S’assumer comme per­son­ne libre sup­pose d’exercer cette respon­s­abil­ité. L’éducation doit veiller à faire naître chez les jeunes ce sens de la respon­s­abil­ité. L’homme est respon­s­able de lui-même, des autres et de l’univers. La cat­a­stro­phe écologique qui nous menace
démon­tre ce point : l’homme a un devoir de bonne gérance sur la créa­tion qui lui a été con­fiée par Dieu. S’il n’assume pas ce devoir, il crée des drames dont il est la pre­mière vic­time. Cet exem­ple de la respon­s­abil­itéé­cologique démon­tre aus­si que s’assumer libre ne peut pas sig­ni­fi­er suiv­re ses désirs sans
frein, faire comme si l’on é tait seul au monde.
Les actes de cha­cun ont des réper­cus­sions sur tous. Les actes ont aus­si valeur d’exemples.
Par exem­ple, le groupe des évêques chargé de la bioéthique a sig­nalé que le sui­cide assisté ne peut pas être présen­té comme un choix indi­vidu­el sans con­séquence pour les autres.
En choi­sis­sant le sui­cide assisté en rai­son de leur âge ou de leur mal­adie, les per­son­nes font peser sur les autres malades et per­son­nes âgées le soupçon d’être en trop, encom­brantes ou trop coû­teuses. Nous sommes respon­s­ables les uns des autres. En par­ti­c­uli­er, nous sommes respon­s­ables de ceux qui par­mi nous souf­frent le plus ou sont blessés dans leur humanité.
Nous ne pou­vons pas regarder ailleurs et faire comme si cela ne nous con­cer­nait pas.
Mais l’aide indis­pens­able que nous leur devons doit aus­si respecter leur lib­erté et les aider à exercer leur pro­pre responsabilité.
Notre époque a des prob­lèmes avec la respon­s­abil­ité. Elle oscille entre la ten­ta­tion de dére­spon­s­abilis­er l’homme, de le laiss­er à sa lib­erté abais­sée au rang de caprice, et celle de désign­er des boucs émis­saires. D’un côté,
l’idée d’une lib­erté lais­sée seule à elle-même sans loi induit la fin de toute respon­s­abil­ité devant les autres et Dieu. De l’autre, les drames qui font la une des jour­naux imposent qu’il y ait un respon­s­able et commel’époque ne sait plus exercer cette respon­s­abil­ité, elle revient sous des formes folles en
lyn­chant un indi­vidu pris presque au hasard pen­dant que les autres se lavent les mains de prob­lèmes qui sou­vent relèvent de l’ensemble de la com­mu­nauté. En réal­ité, la respon­s­abil­ité est l’exercice plénier de la liberté.
Dieu a lais­sé l’homme à son pro­pre con­seil, non pour qu’il suive aveuglément
ses instincts qui ne suff­isent pas à éclair­er entière­ment ses choix, mais pour qu’il puisse se don­ner aux autres et à Lui-même en toute
lib­erté. C’est pourquoi cha­cun de nous répon­dra de ses actes devant Dieu. L’Évangile man­i­feste que ce juge­ment dernier portera sur la con­duite envers les plus petits :
« Ce que vous faites au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25, 40).

Nous ne serons pas jugés sur des per­for­mances extra­or­di­naires mais sur notre sol­i­dar­ité avec les plus petits.

I.8 Scandale du mal

 

Le scan­dale du mal ne frappe pas seule­ment la volonte´ humaine. Plus mys­térieuse­ment, il frappe l’homme tout entier. Cer­tains accu­mu­lent les épreuves douloureuses et désta­bil­isantes, ou sont frap­pés subite­ment par la mal­adie physique ou men­tale. D’autres, dès la con­cep­tion, ou par des acci­dents de la vie, sont mar­qués par le hand­i­cap. C’est pour eux et leur entourage un fardeau lourd à porter. Il est légitime de se tourn­er vers Dieuet de lui crier « pourquoi ? » Comme Jésus lui-même l’a fait. Hors de la Résur­rec­tion, il n’y a pas de réponse défini­tive au scan­dale du mal.
Mais par sa vie et surtout sa Pas­sion, Jésus nous a rejoints dans ce mys­tère et nous aide à l’affronter dans l’espérance. Il l’a vain­cu par sa résur­rec­tion et il nous promet de le vain­cre totale­ment un jour. Il est pos­si­ble aus­si de
man­i­fester sa com­pas­sion envers ceux qui sont par­ti­c­ulière­ment frap­pés par ce scandale.
Il arrive des sit­u­a­tions ou‘ il n’y a plus rien de tech­nique­ment effi­cace a‘ faire con­tre le scan­dale du mal. Ce sont des moments spé­ciale­ment dif­fi­ciles pour notre époque habituée aux prouess­es de la tech­nique. Dans ces situations,
une parole, un geste, une sim­ple présence peu­vent man­i­fester une profonde
com­pas­sion et soulager la per­son­ne. Jésus a sou­vent exer­cé ce min­istère de com­pas­sion et nous a demandé de faire de même.
Les per­son­nes frap­pées par l’épreuve du mal con­ser­vent toute leur dig­nité. Les gens qui se vouent au ser­vice des per­son­nes hand­i­capées témoignent par­ti­c­ulière­ment des tré­sors d’humanité qu’ils décou­vrent par là. Le coeur,
la capac­ité d’aimer de la per­son­ne demeure tou­jours intact sous les hand­i­caps. C’est pourquoi il est impor­tant de tra­vailler a‘ un meilleur accueil des per­son­nes handicapées.

 

 

I.9 La Mort

 

La mort est l’e´nigme par excellence.
Depuis la plus haute Antiq­uite´ , l’humanite´
me´ dite sur ce myste‘ re, sa sig­ni­fi­ca­tion, les
moyens de le sur­mon­ter. Les divers­es religions
pro­posent toutes leur re´ponse a‘ ce
myste‘ re. L’homme porte en lui le de´ sir de
vivre, et la mort scan­dalise, en particulier
quand elle frappe trop toˆt ou de manie‘ re
aveu­gle. Il est naturel d’en avoir peur et la
foi ne nous invite pas a‘ une inhu­maine indiffe
´rence. Encore une fois, il est le´gitime de
porter ce cri devant Dieu, comme Job. Je´sus
lui-meˆme a eu peur face a‘ sa pro­pre mort,
nous rejoignant par-la‘ dans toute notre
faib­less. La mort est aus­si la lim­ite fondamentale
de l’homme. Elle se des­sine derrie‘re
toutes les autres lim­ites de l’homme. L’homme
ne peut pas tout se per­me­t­tre parce qu’il mettrait
sa vie en dan­ger. Elle lui rap­pelle qu’il
est un eˆ tre fini, qu’il ne s’est pas donne´ la
vie et que sa vie lui est confie´e sans eˆ tre sa
pro­prie´ te´ .Mais l’homme sait aus­si de´passer le scandale
de la mort par le sac­ri­fice, la mort
affronte´e libre­ment pour de´fendre la justice
et la ve´ rite´ . Toutes les civil­i­sa­tions, toutes les
reli­gions, ont con­nu ces cas de sac­ri­fice, dont
la mort de Socrate est sans doute l’exemple
occi­den­tal le plus par­lant. La France est
reste´e marque´e par le sac­ri­fice du colonel Beltrame
con­tre la folie ter­ror­iste. Par ces sacrifices,
l’homme de´montre qu’il se sent appele´ a‘
un au-dela‘ de la mort, vers un Bien parfait.
Notre e´poque est con­tra­dic­toire vis‑a‘ ‑vis
de la mort. D’un coˆ te´ , elle est e´vacue´e du
de´ bat, on n’ose plus en par­ler ; de l’autre,
nos fic­tions et jeux vide´o sont plus morbides
que jamais. Nous avons besoin de re´ apprendre
a‘ regarder la mort en face, sans complaisance
mais lucidement.
Par la re´surrection du Christ, la mort est
dev­enue un pas­sage vers la vie en Dieu si
l’homme se laisse rejoin­dre par lui. Elle n’est
pas la fin de tout. Il est urgent de rappeler
l’espe´ rance. L’homme n’est pas fait seulement
pour cette vie-ci, il aspire au Bien supreˆme, Dieu. Il aspire a‘ la vic­toire de la
charite´ divine jusque dans les corps. Je´sus
revien­dra a‘ la fin des temps, et ressuscitera
les morts pour que tous ceux qui se seront
laisse´s rejoin­dre par lui vivent de sa Gloire.
Ceux qui nous promet­tent « la mort de la
mort » ne nous promet­tent pas le bonheur
mais nous vouent a‘ une mise‘re sans fin.

I.10 Accepter sa finitude

 

Dieu n’appelle pas des surhommes aux per­for­mances invin­ci­bles. Il aime les hommes et les femmes que nous sommes, avec nos lim­ites. Dans l’Évangile, c’est devant Jésus out­ragé et flag­el­lé qu’est pronon­cée la parole «Voici l’homme» (Jn 19, 5). La dig­nité inamis­si­ble de l’homme n’est pas affir­mée au sujet d’un héros per­for­mant au som­met de son suc­cès, mais devant un homme affaib­li. Jésus nous rejoint ain­si au cœur de toutes nos lim­ites pour les porter avec nous dans la foi et la char­ité. C’est en accep­tant notre fini­tude à la suite de Jésus Christ que nous nous accom­plirons pleine­ment. En par­ti­c­uli­er, en man­i­fes­tant notre sol­i­dar­ité envers ceux qui ont été blessés par la vie. Notre époque voit pro­lifér­er un culte de la per­for­mance, de la jeunesse éter­nelle, qui nous écrase. C’est à la fois inutile et blessant. Les faib­less­es de l’homme ne s’opposent pas à sa dig­nité. Nier nos lim­ites, c’est nous bless­er en nous imposant un des­tin qui n’est pas le nôtre. C’est aus­si ren­dre impos­si­ble la fra­ter­nité, ou la réserv­er à une élite de chanceux. Por­tons nos lim­ites avec confiance pour nous ouvrir à une vraie réal­i­sa­tion de soi qui fera des merveilles.

Voir les éclairages du Père Emmanuel Coquet

I.11 Tout être humain est une personne

 

Tout en l’homme est humain. Nous ne sommes pas des ani­maux aux­quels aurait été ajoutée une couche de spir­i­tu­al­ité comme on ajoute un logi­ciel à un ordi­na­teur. Les car­ac­tères les plus basiques de l’homme sont déjà humains. Le corps de l’homme man­i­feste déjà sa dig­nité, par sa sta­tion debout, ses mains préhen­siles, la taille de son crâne et la taille de son bassin. L’homme ne man­i­feste pas seule­ment sa supéri­or­ité par la petite par­tie en lui qui est capa­ble de raison­nement et de cal­cul. Le plaisir et la souf­france sont déjà spé­ci­fiques en l’homme. Ils s’accompagnent d’un « pourquoi ? » dans le dou­ble sens d’en vue de quoi et a‘ cause de quoi ? Par exem­ple, l’alimentation n’est pas chez l’homme un besoin seule­ment biologique. Elle s’accompagne de rites soci­aux et de sym­bol­es. Le drame de la per­son­ne anorex­ique tient autant à sa dif­fi­culté à se tenir à table avec les autres qu’à sa dif­fi­culté à manger. S’il faut respecter la sen­si­bil­ité ani­male, il est cap­i­tal de voir qu’elle n’est pas la meˆme que celle de l’homme. En con­séquence, tout être humain est une per­son­ne. Il n’est pas néces­saire de faire mon­tre de capac­ités intel­lectuelles bril­lantes  ou d’une vie morale dévelopées pour être une per­son­ne. Il est excel­lent que des méth­odes tou­jours plus affinées per­me­t­tent aux hommes de dévelop­per leur ratio­nal­ité ou leur capac­ité de médi­ta­tion, mais cela ne con­stitue pas des con­di­tions pour être compte comme per­son­ne. Respec­tons tout être humain comme une per­son­ne, de sa con­cep­tion jusqu’à sa mort naturelle. En par­ti­c­uli­er, respec­tons la vie de tout être humain car elle est dès l’origine por­teuse de ces valeurs de la personne.

Voir les éclairages du Père Emmanuel Coquet

I.12 Seul l’être humain est une personne

 

Cre´e´ par Dieu dans l’amour et appele´ a‘ se
don­ner par amour, l’eˆtre humain est une personne,
tout eˆ tre humain est une per­son­ne et
dans la cre´ation vis­i­ble seul l’eˆtre humain est
une per­son­ne. Tout en l’homme est humain,
l’homme est splen­dide y com­pris par son
corps. Il est ain­si capa­ble de mer­veilles. La
cre´ ation de l’homme con­stitue ain­si le
som­met de la cre´ation, et en l’homme toute
la cre´ation trou­ve sa finalite´ ve´ rita­ble. Elle
aspire elle aus­si a‘ eˆtre libe´re´e du mal qui la
frappe (Rm 8), en e´tant unie au salut de l’humanite
´ . Mais cela ne l’autorise pas a‘ nier ses
lim­ites. l’animal n’est pas une per­son­ne et ne peut
eˆ tre e´ gale´ a‘ l’homme. Il ne partage ni sa
rai­son, ni sa lib­erte´ . L’animal ne porte pas
cette insat­is­fac­tion qui pousse a‘ rechercher
une tran­scen­dance. L’antispe´cisme, qui nie
la dig­nite´ supe´rieure de l’homme sur l’animal,
lance des cris d’alerte qu’il est bon d’entendre
pour pren­dre nos responsabilite´s face a‘ la
souf­france ani­male, mais se trompe dans ses
con­clu­sions. L’homme est « la seule cre´ature
sur terre que Dieu a voulue pour elle-meˆme »
(Gaudi­um et Spes, 24).
L’arrive´e des robots dote´ s d’intelligence
arti­fi­cielle va re´volutionner nos modes de
vie. Ce progre‘s ouvri­ra des possibilite´s fabuleuses.
Mais il pose aus­si des proble‘mes e´ thiques
red­outa­bles. En par­ti­c­uli­er, il n’est pas
accept­able de dot­er le robot d’une personnalite
´ juridique. Le robot reste tou­jours sous la
respon­s­abilite´ de ses con­cep­teurs et utilisateurs.
Il n’est pas dote´ d’un libre arbi­tre, il
ne s’inte´resse pas a‘ la ve´ rite´ pour elle-meˆme
mais seule­ment a‘ l’application de son programme.
Il est spe´cialement inquie´ tant de voir se de´velopper des robots sex­uels qui pre´ –
ten­dent rem­plac­er l’intimite´ d’amour avec
une autre per­son­ne humaine.

I.13 Sommet de la Création

 

Créé par Dieu dans l’amour et appelé à se don­ner par amour, l’être humain est une per­son­ne, tout être humain est une per­son­ne et dans la créa­tion vis­i­ble seul l’être humain est une per­son­ne. Tout en l’homme est humain, l’homme est splen­dide y com­pris par son  corps. Il est ain­si capa­ble de mer­veilles. La créa­tion  de l’homme con­stitue ain­si le som­met de la créa­tion , et en l’homme toute la créa­tion trou­ve sa final­ité véri­ta­ble. Elle aspire elle aus­si à être libérée du mal qui la frappe (Rm 8), en étant unie au salut de l’humanité. Mais cela ne l’autorise pas à nier ses limites.

Partie II : Nous sommes une seule famille

II.1 Dieu a créé une seule famille

 

« Dieu, qui veille pater­nelle­ment sur tous,
a voulu que tous les hommes con­stituent une
seule famille et se trait­ent mutuellement
comme des fre‘ res » (Gaudi­um et Spes, 24).
Dieu n’a pas cre´e´ l’homme seul, il a cre´e´ l’humanite
´ comme une seule famille appele´e a‘ se
con­stru­ire dans la fra­ter­nite´ jusqu’a‘ ce qu’elle
soit pleine­ment rassemble´e dans le Christ ressuscite
´ comme un seul corps sous sa teˆ te. Ce
fait nous impose de recon­naıˆtre notre interde
´pen­dance et de vivre de‘ s aujourd’hui la
sol­i­darite´ , spe´cialement envers les plus faibles
qui sont aus­si nos fre‘ res. Mais ce principe est
nie´ aujourd’hui par l’invocation d’une autonomie absolue qui nous enferme dans une
soli­tude inviv­able. C’est au nom de cette
autonomie que sont sans cesse re´ clame´s de
nou­veaux droits qui de´naturent de plus en
plus la trans­mis­sion de la vie, comme la gestation
pour autrui[1]. L’homme n’est pas fait
pour cette soli­tude, nous avons besoin les uns
des autres et nous nous influenc¸ons les uns
les autres. « Tout est lie´ », re´pe‘ te le pape
Franc¸ ois (Lauda­to Si’). Nous faisons tous
l’expe´ rience de notre interde´pendance mais
l’individualisme actuel la de´nie et empeˆche
de la vivre sere­ine­ment. L’humanite´ doit
recon­naıˆtre qu’elle trou­vera les solu­tions a‘
ces de´fis par la fra­ter­nite´ et la coope´ration.

[1] Nous ren­voyons ici au doc­u­ment des e´veˆques de
France sur la bioe´thique : La Dig­nite´ de la procre´ation,
Paris, Bayard-Cerf-Mame, 2018.

II.2 Nous sommes interdépendants

 

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul »
(Gn 2, 18). Dieu a cre´e´ l’homme pour vivre uni a‘ toute l’humanite´ autant qu’a‘ Lui. Nous
ne sommes pas des atom­es isole´ s qui choisiraient
avec qui avoir ou non des relations.
Nous sommes tous interde´pendants. Avant
de choisir de vivre la sol­i­darite´ comme
valeur et pour la vivre selon sa ve´ rite´ ,
l’homme doit con­sen­tir a‘ ce fait de l’interde´ –
pen­dance. La ques­tion e´cologique, a‘ propos
de laque­lle le pape a pose´ ce principe,
l’illustre : la de´ fense de l’environnement a‘
l’e´ chelle de la plane‘ te de´pend des actes de
cha­cun la‘ ou‘ il se trou­ve. Men­er une vie
sobre, tri­er, recy­cler, e´ conomiser l’eau
de´pend de cha­cun et a des re´percussions sur
tous. C’est notre com­mune responsabilite´ .
Dans ce domaine tre‘ s particulie‘rement, nul
ne peut pre´tendre men­er sa vie a‘ sa guise
sans se pre´occuper du prochain. Nous ne
pou­vons pas com­pren­dre le « rem­plis­sez la
terre et soumet­tez-la » (Gn 1, 28) de la Bible
comme l’autorisation de la saccager. Il s’agit
d’un devoir de bonne ge´ rance qui aura
des comptes a‘ ren­dre au vrai maıˆtre de la
cre´ation. L’interde´pendance des hommes peut aussi
se mon­tr­er par le cas de la mal­adie. Dans une
famille, si un mem­bre est malade, toute la
famille est touche´ e. Toute la famille doit s’organiser
pour le soin du malade, pour mener
les taˆ ches domes­tiques sans lui, e´ventuellement
pour e´ viter la con­ta­gion (si le malade
est affaib­li dans son syste‘me immunitaire).
S’il se trou­vait dans une sit­u­a­tion de´ja‘ pre´ –
caire, celle-ci s’aggrave. La vie sociale de la
famille est touche´ e. Mais le des­tin de cette
famille de´pend de la qualite´ et de la proximite´
des struc­tures de soin. Il est des re´ gions,
meˆme en France, ou‘ l’on est mieux soigne´
que d’autres. Ces struc­tures de soin a‘ leur
tour de´pendent de la poli­tique de sante´ de
l’E´ tat, qui est influence´e par la crise mondiale.
Ain­si, la sante´ d’une seule personne
au sein d’une famille est relie´e par cercles
con­cen­triques a‘ la sit­u­a­tion de toute l’humanite
´ . De manie‘re ge´ne´rale, les sit­u­a­tions de
pau­vrete´ man­i­fes­tent mieux l’interde´ pendance
des humains. L’individu qui s’est
enferre´ dans une logique de per­for­mance peut se faire croire qu’il est seul au monde. Le
pau­vre, lui, man­i­feste com­bi­en nos destins
sont lie´ s. C’est une de ses graˆ ces. Un reˆve
d’autonomie absolue ou‘ l’individu ne rend
de comptes qu’a‘ lui-meˆme vio­le la ve´ rite´ de
la nature humaine et engen­dre une cruelle
soli­tude. Il fait peser sur les plus petits une
exi­gence inac­ces­si­ble et douloureuse.
L’homme est un ani­mal poli­tique. Il a
besoin d’interagir avec ses sem­blables, de
con­stru­ire avec eux une socie´ te´ juste ou‘
cha­cun peut s’e´panouir. Cha­cun de nous a
besoin d’eˆ tre recon­nu par les autres comme
per­son­ne libre. Il a besoin d’aimer et d’eˆ tre
aime´ . Sa rai­son le pousse au dia­logue indispensable
a‘ la de´couverte d’une ve´ rite´ uni­verselle.
L’homme est aus­si un eˆtre de langage.
Il a besoin de com­mu­ni­quer avec les autres,
de racon­ter son exis­tence pour se forg­er une
iden­tite´ . L’homme a besoin d’une culture
qui lui per­met d’affirmer ses valeurs et de
chercher le vrai, le bon, le beau. Il est essentiel
que les pro­jets d’aide au de´veloppement
com­por­tent aus­si des volets de de´fense de la cul­ture des peu­ples con­side´ re´ s. Chaque
cul­ture, meˆme si elle a besoin de pass­er par
un dis­cerne­ment pour eˆ tre libe´re´e de ses e´ le´ –
ments de pe´che´ , est por­teuse de tre´sors pour
l’humanite´ . L’e´change cul­turel, favorise´ par
la mon­di­al­i­sa­tion, est une taˆ che essentielle
pourvu qu’il ne se trans­forme pas en he´ge´ –
monie d’une cul­ture sur les autres.
Ce besoin d’interaction est spe´cialement
sen­si­ble chez les plus petits, chez ceux que
les drames de la vie privent de l’utilisation
nor­male des moyens de la vie sociale. C’est
tou­jours l’occasion d’une joie pour tous
chaque fois que nous asso­cions les plus faibles
a‘ nos cercles.
L’homme est aus­si un ani­mal religieux.
Ouvert a‘ la tran­scen­dance, il a besoin pour
l’exprimer de sym­bol­es, de rites, de liturgie.
Or il n’existe pas de sym­bole ou de rite prive´ .
Le rite et le sym­bole sup­posent une communaute
´ qui se rassem­ble en eux. Une des e´ tymologies
propose´es de « reli­gion » ren­voie a‘
« reli­er ». La reli­gion est la‘ pour rassembler
les hommes, leur don­ner con­science de leur interde´pendance et la vivre dans la fraternite´ .
Mais il faut pour cela que les reli­gions s’ouvrent
encore davan­tage au dia­logue. L’ambition
de la laı¨cite´ est de con­tribuer a‘ la paix
sociale en respec­tant chaque reli­gion dans sa
croy­ance et dans son rite et en con­duisant les
reli­gions ou courants de pense´e a‘ cohabiter
sere­ine­ment au sein de la socie´te´ .
Ce besoin aus­si est uni­versel. La religion
sup­pose une re´flexion rationnelle, mais elle
ne peut eˆ tre l’affaire d’un cer­cle d’initie´ s.
Je´sus a aime´ par­ler aux exclus de la socie´te´
et de´montre´ que ces hommes et ces femmes
rejete´s e´taient aptes a‘ le suiv­re. Nos communaute
´s auront a‘ coeur de devenir des lieux ou‘
le petit se sent chez lui.

II.3 Appelés à la fraternité

 

L’interdépendance est d’abord une chance. Elle donne à cha­cun la pos­si­bil­ité de s’appuyer sur tous les autres. Mais comme toute réal­ité humaine, elle est mar­quée par le péché. Cette inter­dépen­dance de fait demande à être amé­nagée par la lib­erté de l’homme. Il dépend de nous d’en faire une sit­u­a­tion d’aliénation ou au con­traire l’occasion d’une fra­ter­nité. Notre époque nous donne d’extraordinaires out­ils pour con­stru­ire cette fra­ter­nité. La mon­di­al­i­sa­tion rend plus vis­i­bles et plus rapi­des les liens de développe­ment entre les régions du monde. Les moyens de com­mu­ni­ca­tion sociale per­me­t­tent d’interagir rapi­de­ment avec des per­son­nes situées à l’autre bout du monde. Cela per­met d’immenses cam­pagnes de mobil­i­sa­tion pour venir en aide à une région touchée par une cat­a­stro­phe. Nous avons vu des chaînes mon­di­ales de sol­i­dar­ité, par exem­ple pour notre pays après les atten­tats du 13 novem­bre 2015. La fra­ter­nité n’est pas un vain mot, elle se vit au quo­ti­di­en de mille manières.

II.4 Menaces et Espérance

 

Mais parce que l’homme reste mar­que´ par
le scan­dale du mal, notre e´poque voit aus­si de
for­mi­da­bles men­aces con­tre la fra­ter­nite´. Le
progre‘s est aus­si he´las le progre‘s du mal. La
mon­di­al­i­sa­tion con­cerne aus­si le crime. Il faut
citer d’abord la vio­lence ter­ror­iste, qui est
dev­enue inter­na­tionale et qui se pare a‘ nouveau
de l’excuse de la reli­gion, comme si Dieu
pou­vait eˆtre un Dieu de mort et non de vie.
L’attentat sui­cide est un som­met de de´viance
de la reli­gion, puisqu’au meurtre il ajoute le
sui­cide hon­teuse­ment regarde´ comme martyre.
Il faut se re´jouir de toutes les occasions
qui sont ve´cues de rejeter cette idol­aˆ trie de la
vio­lence. Il y a le fle´au du crime organ­ise´ , qui
tue et exploite par la pros­ti­tu­tion ou l’embrigadement
dans les re´seaux du crime, en particulier
dans cer­taines re´gions du monde. Il
s’accompagne du traf­ic mon­di­al de drogue
avec son corte‘ge de mise‘ re et de violence.
Au Mex­ique et ailleurs, plusieurs preˆtres ont
paye´ de leur vie la de´nonciation de ce scan­dale. Il y a le de´veloppement indus­triel non
con­troˆ le´ qui pol­lue la plane‘te et rend malade
les pop­u­la­tions, spe´cialement dans les pays
e´mergents. Les ine´ galite´s se sont terriblement
creuse´ es, entre indi­vidus et entre re´gions du
monde. « Nous con­tin­uons a‘ admet­tre en pratique
que les uns se sen­tent plus humains que
les autres, comme s’ils e´taient ne´s avec de plus
grands droits » (Lauda­to Si’, 90). Il y a les
atten­tats con­tre la vie, avorte­ment et euthanasie,
pre´sente´s comme droits. Le sort re´serve´
aux femmes et aux enfants doit progresser
encore partout dans le monde. Nous nous
re´jouissons des re´centes pris­es de conscience
con­tre le harce‘lement sex­uel. Les femmes qui
ont e´te´ pousse´es a‘ l’avortement doivent be´ne´ –
fici­er d’un accom­pa­g­ne­ment mise´ricordieux
pour les aider a‘ sur­mon­ter la de´ tresse qui
accom­pa­gne sou­vent cet acte terrible.
L’E´ glise catholique s’est lance´ e, y com­pris en
France, dans un chantier de pe´nitence et de
re´formes pour com­bat­tre les abus sexuels.
Ces fle´aux, dont la liste n’est pas exhaustive,
nous appel­lent a‘ con­stru­ire ensem­ble la fra­ter­nite´ . Mais la gravite´ de ces drames ne
doit pas con­duire au de´sespoir. « Tout n’est
pas per­du, parce que les eˆ tres humains, capables
de se de´grader a‘ l’extreˆme, peu­vent aussi
se sur­mon­ter, opter de nou­veau pour le bien
et se re´ge´ne´rer » (Lauda­to Si, 205). Les chre´ –
tiens sauront eˆ tre exem­plaires, la‘ ou‘ ils sont,
avec les moyens qui sont les leurs, dans leur
con­struc­tion de cette fra­ter­nite´ . Elle commence
par des gestes sim­ples. L’entraide en
famille, les activite´ s de paroisse comme les
maraudes ou les ves­ti­aires sol­idaires, sont
un vrai fonde­ment de la sol­i­darite´. Meˆme
s’ils ne rem­pla­cent pas des poli­tiques publiques
respon­s­ables, ce sont ces petits moyens,
mul­ti­plie´ s partout, qui font reculer la mise‘ re.
Ils ont aus­si l’avantage de de´montrer que nul
n’est trop faible ou trop petit pour participer
a‘ l’effort de fra­ter­nite´ . Seul un esprit de pauvrete
´ per­met de com­bat­tre la pauvrete´ .
Les re´seaux soci­aux man­i­fes­tent l’ambivalence
de la sit­u­a­tion. Utilise´ s raisonnablement,
ils man­i­fes­tent l’interde´pendance et
per­me­t­tent des mobil­i­sa­tions rapi­des a‘ tra­vers la plane‘ te. Mais laisse´s a‘ eux-meˆmes,
ve´cus dans une sorte d’addiction, ils enferment
dans des rela­tions virtuelles qui sont
au fond la pire des soli­tudes et ils de´tournent
de ve´ritables activite´ s frater­nelles. Ils risquent
aus­si d’enfermer cha­cun dans des cercles
qui pensent comme lui, ren­dant le dialogue
difficile.

II.5 La sexualité, lieu du don de soi

 

« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme
et femme » (Gn 1, 27). La dif­férence sex­uelle est la pre­mière altérité de l’humanité, celle qui fonde toutes les autres. La dif­férence sex­uelle n’est pas une con­ven­tion sociale qu’on pour­rait réérire à son gré, elle appar­tient à la nature humaine. Son respect est essen­tiel pour la con­struc­tion d’un ordre social équili­bré. Mais les deux sex­es ont été créés pour vivre dans la com­mu­nion, le respect et l’égalité. Il faut que partout dans le monde se pour­suiv­ent les efforts de libéra­tion de la femme, pour son accès aux droits civiques, à la lib­erté de mariage, à l’emploi avec un salaire égal. Toute forme de vio­lence faite aux femmes est inac­cept­able, y com­pris l’excision et les autres formes de muti­la­tion. L’augmentation du nom­bre de femmes par­tic­i­pant a‘ la vie publique sera une chance pour tous.
La dif­férence sex­uelle ouvre à la sex­u­al­ité. Chaque sexe est tourné vers l’autre. Vécue en vérité, la sex­u­al­ité est un lieu spé­cial de don de soi, d’amour et de lib­erté. Par nature ouverte à l’accueil de la vie, elle est le lieu où l’homme et la femme vivent ensem­ble leur image de Dieu. « Puisque (Dieu) est en même temps le Créa­teur, la fécon­dité du cou­ple humain est ‘‘l’image’’ vivante et effi­cace, un signe vis­i­ble de l’acte créa­teur » (Amor­is Laeti­tia, 10). La sex­u­al­ité chante aus­si par­ti­c­ulière­ment la beauté du corps humain. Mais le péché orig­inel a défor­mé la  sex­u­al­ité en la trans­for­mant en lieu de désir effréné et de dom­i­na­tion : « Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci domin­era sur toi » (Gn 3, 16). Cette défor­ma­tion se man­i­feste aujourd’hui avec le règne de la pornogra­phie présen­tée comme une norme et promesse de bon­heur qui désta­bilise les plus jeunes. En réal­ité, toute per­son­ne humaine porte le désir d’une rela­tion sta­ble avec un parte­naire aime´ pour lui-meˆme. Il existe dans la famille humaine une diver­sité d’inclinations sex­uelles. Il ne faut pas dis­crim­in­er les per­son­nes  homosexuelles.Les vio­lences physiques ou ver­bales con­tre elles sont intolérables. L’Église catholique invite à les accueil­lir et les accom­pa­g­n­er dans leur chemin vers Dieu. Mais il n’est pas pos­si­ble de met­tre les rela­tions homo­sex­uelles sur le même plan que la rela­tion de l’homme et de la femme.

II.6 Fécondité et famille

 

L’enfant est comme l’incar­na­tion de l’amour de ses par­ents. Il ouvre celui-ci à une nou­velle dimen­sion et leur donne la joie d’être édu­ca­teurs d’une lib­erté. Il leur four­nit l’occasion de don­ner le meilleur d’eux-mêmes dans l’ensemble des soins qu’ils lui prodiguent. Il offre à leur lib­erté un champ d’action par­ti­c­ulière­ment beau. L’enfant est don de Dieu. Toute nais­sance est une occa­sion d’action de grâces. Les cou­ples qui ne peu­vent pas avoir d’enfant ont besoin d’être  accom­pa­g­nés pour qu’ils puis­sent décou­vrir qu’il existe d’autres fécon­dités. Mais l’enfant ne saurait être un droit ouvrant à des tech­nolo­gies tou­jours plus sophis­tiquées qui s’accompagnent de destruc­tion d’embryons. L’annonce chré­ti­enne qui con­cerne la famille est vrai­ment une bonne nou­velle. Jésus est né dans une famille, c’est là d’abord qu’il a vécu son incar­na­tion, offrant à toutes les familles une grâce spé­ciale. La fécon­dité du cou­ple fonde la famille. Celle-ci est le pre­mier cer­cle de l’interdépendance des hommes. Elle déploie une intim­ité très par­ti­c­ulière. Pour les enfants, elle est le pre­mier lieu où décou­vrir la valeur de la sol­i­dar­ité. En par­ti­c­uli­er, les enfants se décou­vrent en dette de la vie vis-à-vis de leurs par­ents et la fra­ter­nité de sang est la pre­mière de toutes les fra­ter­nités. Les par­ents ont une spé­ciale respon­s­abil­ité dans l’éducation des enfants et doivent pour cela béné­fici­er d’une vraie lib­erté, en par­ti­c­uli­er dans le choix de la sco­lar­ité. La société doit aider les par­ents mais n’a pas à se sub­stituer à eux dans la mis­sion d’éducation. Pen­dant des mil­lé­naires, la pente de l’humanité a été d’avoir des enfants pour se sur­vivre. La foi en la Résur­rec­tion nous a libérés de cette néces­sité. Jésus vient trans­former les familles pour les faire devenir une com­mu­nion de per­son­nes unies dans le respect et dans l’amour. La famille est le pre­mier cer­cle de la société. Il est essen­tiel à la bonne san­té des sociétés qu’elles favorisent la famille. Les com­mu­nautés catholiques sont invitées à devenir des lieux où‘ les familles se sen­tent chez elles, accom­pa­g­nées dans leurs joies, soutenues dans leurs dif­fi­cultés. Il faut que les poli­tiques publiques  sou­ti­en­nent les familles, que les infra­struc­tures col­lec­tives les aident à vivre (avec des places en crèche suff­isantes par exem­ple), que les mères au tra­vail soient aidées.  Notre époque voit un nom­bre gran­dis­sant de familles blessées. Les com­mu­nautés catholiques auront à cœur d’accompagner ces sit­u­a­tions, sans juge­ment, avec mis­éri­corde, en voy­ant où en sont les per­son­nes et en ren­dant grâce pour les tré­sors de char­ité qui se vivent sou­vent dans ces sit­u­a­tions blessées.

II.7 L’unique famille humaine

 

Créée par Dieu pour être rassem­blée dans la char­ité par le Christ, unie par des liens de sang autant que par des liens spir­ituels émanant des cul­tures, l’humanité est une seule famille appelée à vivre la fra­ter­nité et la sol­i­dar­ité. Elle en est capa­ble mal­gré les défis qui la men­a­cent. Cha­cun, à sa place et avec les moyens qui sont les siens, par Jésus-Christ, peut con­tribuer à cette tâche. Per­son­ne n’est en trop dans l’oeuvre de fra­ter­nité. Cela se vit d’abord dans les familles qui sont le pre­mier lieu où appren­dre la sol­i­dar­ité. La famille doit donc être défendue con­tre les attaques des idéolo­gies. L’Église souhaite pren­dre sa part dans cette défense et cet accom­pa­g­ne­ment des familles pour leur don­ner de vivre cette fra­ter­nité. Mais la famille est des­tinée à s’ouvrir à plus grand qu’elle. La sol­i­dar­ité doit attein­dre les lim­ites de l’humanité. À l’heure de la mon­di­al­i­sa­tion, il est plus mor­tifère que jamais de rêver que chaque nation se replie sur elle-même en cher­chant l’autarcie. Aucune nation ne peut plus trou­ver en elle les moyens de faire face aux défis du temps. Les men­aces con­tre l’humanité appel­lent une réponse com­mune. La voie du dia­logue et de la coopéra­tion inter­na­tionale est la seule pos­si­ble. A for­tiori, les divers­es dis­crim­i­na­tions qui divisent l’humanité en désig­nant des sous-hommes sont intolérables. Chaque per­son­ne humaine a le droit de trou­ver sa place dans la famille humaine. Lut­tons pour que chaque homme soit recon­nu comme un frère.

Conclusion

 

Dieu a créé l’homme à son image et ressem­blance pour se l’unir dans l’amour. Il en a fait une per­son­ne rela­tion­nelle comme Lui, il l’a créé beau, libre, apte à la vérité, con­sti­tu­ant une seule famille inter­dépen­dante appelée à la fra­ter­nité. Il l’a appelé à l’amour. Cha­cun d’entre nous, écoutant sa con­science et aidé par Dieu, se ver­ra capa­ble de déploy­er cette fra­ter­nité envers tous. En par­ti­c­uli­er en pen­sant préféren­tielle­ment aux plus petits. C’est le chemin du bon­heur. Jésus-Christ est mort et ressus­cité pour bénir et for­ti­fi­er cet effort et associ­er l’homme au salut.

Finale­ment, au dernier jour Jésus vain­cra la mort et rassem­blera en lui toute la créa­tion et tous ceux qui l’auront accep­té en le con­fes­sant ou en suiv­ant leur con­science. C’est notre voca­tion ultime, qui porte toutes les autres. « En aimant, [le chré­tien] devient lui-même un mem­bre, et il est inséré par l’amour dans l’unité du corps du Christ : et il y aura un seul Christ s’aimant lui-même » (Saint Augustin,
Com­men­taire de la pre­mière Épître de saint Jean, X, 3).

Postface de Mgr Batut : « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? »

 

anthropo rabelais« Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. » La célèbre réflex­ion de Pas­cal rejoint dans son début l’interrogation du psaume 8, mais elle la pro­longe avec l’accent déjà con­tem­po­rain d’une human­ité qui n’ose plus croire que quelqu’un pense à elle. Mesurant plus que jamais, grâce aux pro­grès des sci­ences, l’immensité de l’univers qui l’entoure, ce « milieu entre rien et tout » s’appréhende lui-même sur fond d’angoisse exis­ten­tielle plutôt comme un néant que comme un tout – une « pous­sière d’étoiles » selon le mot d’Hubert Reeves.

Mais lorsque cette même human­ité regarde le micro­cosme où elle vit, elle s’aperçoit que loin de grandir en humil­ité en réfléchissant sur elle-même, elle n’a cessé d’agir avec démesure au point d’épuiser les ressources de la « mai­son com­mune »[1] où elle a été placée : depuis la révo­lu­tion indus­trielle, dans son désir insa­tiable de prof­it et de con­fort, l’homme est devenu un dan­ger pour son envi­ron­nement. Désori­en­té et per­du à l’échelle de l’univers, il doute de lui-même à l’échelle de son milieu vital, jusqu’à douter de l’opportunité de pro­longer son exis­tence. Qu’est-ce que l’homme ? Un pré­da­teur et un meur­tri­er qui n’est pas digne de vivre, affir­ment cer­tains aujourd’hui.

Par avance pour­tant, la Parole de Dieu a mis l’homme en garde con­tre sa démesure, tout en le ras­sur­ant devant sa petitesse. Le choix de Dieu, dans sa toute-puis­sance et son éter­nité, a été de créer l’univers. Au sein de sa créa­tion, il a voulu entr­er en alliance avec un être dans lequel est imprimée sa pro­pre image. Et, pour parachev­er cette alliance, il a voulu con­naître la vie de cet être de la nais­sance à la mort, afin de le racheter de la mort et de lui com­mu­ni­quer sa pro­pre vie. La ques­tion du psaume « qu’est-ce que l’homme pour que tu pens­es à lui ? » retrou­ve dans le Christ toute sa per­ti­nence et débouche sur un éton­nement émer­veil­lé : « Tu l’as voulu un peu moin­dre qu’un dieu, le couron­nant de gloire et d’honneur ! Tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toutes choses à ses pieds ! »

Le pou­voir de l’homme sur la nature, envers de l’humilité de sa con­di­tion, n’est pas un pou­voir dis­cré­tion­naire. C’est une gérance, une inten­dance – mieux : une mis­sion, celle de parachev­er l’œuvre de Dieu. En com­prenant cela, nous percevons la sig­ni­fi­ca­tion de l’univers. Dans le Christ, révéla­teur du Père, nous décou­vrons que le cos­mos a été voulu pater­nelle­ment et que son accom­plisse­ment ne peut être que fil­ial. L’alliance nouée avec l’humanité nous appa­raît comme la trans­po­si­tion dans le temps de l’échange éter­nel du Père et du Fils. La vie ter­restre de Jésus devient le par­a­digme de cette vie fil­iale et frater­nelle qui déploie jusqu’au bout en nous le goût de vivre, la joie d’habiter cette terre et de con­tribuer, en y vivant la char­ité, à la faire pass­er en Dieu. « Elle passe, certes, la fig­ure de ce monde défor­mée par le péché ; mais, nous l’avons appris, Dieu nous pré­pare une nou­velle terre où régn­era la jus­tice et dont la béat­i­tude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui mon­tent au cœur de l’homme. Alors, la mort vain­cue, les fils de Dieu ressus­citeront dans le Christ… La char­ité et ses œuvres demeureront et toute cette créa­tion que Dieu a faite pour l’homme sera délivrée de l’esclavage[2]. »

La foi chré­ti­enne n’en est qu’à ses débuts. Et pour dire l’amour de Dieu, l’éternité sera courte.

[1] Pape François, ency­clique Lauda­to sì sur l’écologie : « Notre mai­son com­mune est comme une sœur, avec laque­lle nous parta­geons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts. »

[2] Vat­i­can II, Con­sti­tu­tion Gaudi­um et Spes sur l’Église dans le monde de ce temps, 39.

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