À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, le Préfet de la congrégation pour le culte divin, l’une des voix les plus fortes de l’Église, nous a reçu à Rome pour un entretien exclusif.
Amateurs de langue de buis, s’abstenir ! Si les livres de prélats catholiques suscitent souvent un ennui poli par leur tiédeur de tisane, le Soir approche et déjà le jour baisse, le nouveau livre d’entretiens du cardinal Robert Sarah avec Nicolas Diat, fait figure d’alcool fort. Rappelant qu’un monde qui oublie Dieu va à sa perte, renvoyant dos à dos la « barbarie matérialiste » et la « barbarie islamiste », exhortant l’Eglise à remettre le Christ au centre, dénonçant le pacte de Marrakech soutenu par le Vatican ou mettant en garde contre l’ordination d’hommes mariés que certains voudraient expérimenter à l’occasion du prochain synode sur l’Amazonie, le cardinal Sarah invite à une véritable résistance spirituelle, rappelant que seul le Christ est l’Espérance du monde.
Pourquoi avoir choisi un titre aussi sombre, au risque d’effrayer le lecteur ?
Ce livre est d’abord un appel à la lucidité et à la clairvoyance. L’Église traverse une grande crise. Les vents sont d’une violence rare. Rare sont les journées sans scandale, réels ou mensongers. Les fidèles peuvent donc légitimement s’interroger. J’ai voulu ce livre pour eux. Je souhaite qu’ils puissent sortir de cette lecture avec la joie que donne le Christ : « Reste avec nous, Seigneur : le soir approche et déjà le jour baisse. » C’est la résurrection du Fils de Dieu qui donne l’Espérance dans l’obscurité.
Le choix de ce verset extrait de l’Évangile des pèlerins d’Emmaüs, est-ce pour vous une manière d’indiquer que l’Eglise ne met pas suffisamment le Christ et la prière au centre ?
Je crois fermement que la situation que nous vivons au sein de l’Eglise ressemble en tout point à celle du Vendredi saint, quand les apôtres ont abandonné le Christ, que Judas l’a trahi, car le traître voulait un Christ à sa manière, un Christ préoccupés par des questions politiques. Aujourd’hui, nombre de prêtres et d’évêques sont littéralement ensorcelés par des questions politiques ou sociales. En réalité, ces questions ne trouveront jamais de réponses en dehors de l’enseignement du Christ. Il nous rend plus solidaires, plus fraternels ; tant que nous n’avons pas le Christ comme grand-frère, le premier-né d’une multitude de frères, il n’y a pas de charité solide, pas d’altérité véritable. Le Christ est la seule lumière du monde. Comment l’Eglise pourrait-elle se détourner de cette lumière ? Comment peut-elle passer son temps à se perdre dans des questions purement matérialistes ?
Certes, il est important d’être sensibles aux personnes dans la souffrance. Je pense en particulier aux hommes qui quittent leur pays. Mais pourquoi s’éloignent-ils de leur terre ? Parce que des puissances sans foi, qui ont perdu Dieu, pour qui il n’y a que l’argent et le pouvoir qui comptent, ont déstabilisé leurs nations. Ces difficultés sont immenses. Mais, je le répète, l’Église doit d’abord redonner aux hommes la capacité de regarder vers le Christ : « Quand je serai élevé, j’attirerai tous les hommes ». C’est le Christ crucifié qui nous apprend à prier et à dire : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». C’est en regardant le Fils de Dieu que l’Eglise pourra apprendre à porter les hommes vers la prière et à pardonner comme le Christ. Ce livre veut essayer de redonner à l’Église le sens de sa grande mission divine. Pour qu’elle puisse porter les hommes au Christ qui est l’Espérance. Voilà la signification du titre de notre livre : aujourd’hui tout est sombre, difficile, mais quelles que soient les difficultés que nous traversons, il y a une seule personne qui peut venir à notre secours. Il faut qu’il y ait une institution pour conduire à cette personne : c’est l’Eglise.
Rappeler l’Eglise à sa vraie mission : c’est une manière de dire qu’elle s’en écarte parfois. Vous allez jusqu’à dénoncer les pasteurs qui trahissent leurs brebis, ce que beaucoup de catholiques ont du mal à croire…
Votre remarque n’est pas propre à notre temps : regardez l’ancien Testament, qui abonde en mauvais pasteurs, ces hommes qui aiment bien profiter de la viande ou de la laine de leur brebis, sans prendre soin d’elles ! Il y a toujours eu des trahisons dans l’Eglise. Aujourd’hui, je ne crains pas d’affirmer que des prêtres, des évêques et même des cardinaux ont peur de proclamer ce que Dieu enseigne et de transmettre la doctrine de l’Eglise. Ils ont peur d’être désapprouvés, d’être vus comme des réactionnaires. Alors ils disent des choses floues, vagues, imprécises, pour échapper à toute critique, et ils épousent l’évolution stupide du monde. C’est une trahison : si le pasteur ne conduit pas son troupeau vers les eaux tranquilles, vers les prés d’herbe fraîche dont parle le psaume, s’il ne le protège pas contre les loups, c’est un pasteur criminel qui abandonne ses brebis. S’il n’enseigne pas la foi, s’il se complait dans l’activisme au lieu de rappeler aux hommes qu’ils sont faits pour prier, il trahit sa mission. Jésus dit : « Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. » C’est ce qui se passe aujourd’hui. On ne sait plus vers qui se tourner.
À l’évidence, il existe une forte majorité de prêtres qui restent fidèle à leur mission d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Mais il y a aussi un petit nombre qui cède à la tentation morbide et scélérate d’aligner l’Eglise sur les valeurs des sociétés occidentales actuelles.
N’y a‑t-il pas aujourd’hui, plus spécifiquement, la tentation chez certains d’aligner l’Eglise sur les valeurs du monde, afin de ne plus être en contradiction avec lui ?
À l’évidence, il existe une forte majorité de prêtres qui restent fidèle à leur mission d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Mais il y a aussi un petit nombre qui cède à la tentation morbide et scélérate d’aligner l’Eglise sur les valeurs des sociétés occidentales actuelles. Ils veulent avant tout que l’on dise que l’Église est ouverte, accueillante, attentive, moderne. Mais l’Eglise n’est pas faite pour écouter, elle est faite pour enseigner : elle est Mater et magistra, mère et éducatrice. Certes, la maman écoute son enfant, mais elle est d’abord présente pour enseigner, orienter et diriger, car elle sait mieux que ses enfants la direction à prendre. Certains ont adopté les idéologies du monde actuel sous le prétexte fallacieux de s’ouvrir au monde ; mais il faudrait plutôt porter le monde à s’ouvrir à Dieu qui est la source de notre existence.
Vous parlez dans votre livre d’une crise de la théologie morale : est-ce que ce n’est pas avant tout la tentation de sacrifier la doctrine à la pastorale, c’est-à-dire le contenu au contenant, et une fausse conception de la miséricorde, tellement soucieuse d’afficher sa compréhension qu’elle en oublie de rappeler les règles de la vie bonne ?
Toute pastorale est comme une maison : s’il n’y a pas de fondations, la maison s’écroule. La pastorale doit être construite sur l’enseignement de l’Eglise. On oublie trop souvent la doctrine pour se focaliser seulement sur la pastorale ; mais c’est alors une pastorale vide, puérile et bête. On ne peut pas sacrifier la doctrine à une pastorale qui serait réduite à la portion congrue de la miséricorde : Dieu est miséricordieux, mais dans la seule mesure où nous reconnaissons que nous sommes pécheurs. Pour permettre à Dieu d’exercer sa miséricorde, il faut revenir à Lui, comme l’enfant prodigue. Il y a une tendance perverse qui consiste à fausser la pastorale, à l’opposer à la doctrine, et à présenter un Dieu miséricordieux qui n’exige rien : mais il n’y a pas un père qui n’exige rien de ses enfants ! Dieu, comme tout bon père, est exigeant, parce qu’il nourrit des ambitions immenses pour nous. Le Père veut que nous soyons à son image et à sa ressemblance.
Vous parlez d’affadissement de la foi des fidèles, ce que Benoît XVI appelait un « christianisme bourgeois » ou ce que le pape François appelle la « paganisation de la vie chrétienne ». Ces chrétiens qui ne veulent plus être le sel de la Terre mais préfèrent en être le sucre, n’est-ce pas un défi encore plus grand que les hérésies d’autrefois ?
Cette espèce de mollesse ou d’affadissement fait partie de la culture actuelle : il faut être tolérant, respecter les gens, évoluer avec eux. Certes, nous avons le devoir d’être compréhensif, de marcher au pas des gens, mais il faut en même temps les aider à renforcer leurs muscles. Il faut des muscles pour faire de l’alpinisme. Les mêmes qualités sont requises pour monter sur la montagne Dieu : il faut les muscles de la foi, de la volonté, de l’espérance, et de l’amour. Il est important qu’on ne trompe pas les fidèles avec une religion molle, sans exigence, sans morale. L’Evangile est exigeant : « Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ! Si ta main droite est une occasion de chute, coupe-la ! » Notre rôle est justement de porter le peuple à cette exigence évangélique.
Vous écrivez que « l’Occident fait l’expérience de la solitude radicale et délibérément voulue des damnés » : comment parler de Dieu à des gens qui comme vous l’écrivez, « n’éprouvent pas le besoin d’être sauvés » ?
Regardez le Christ : vous croyez que les gens qu’il avait devant lui voulaient l’écouter ? L’opposition à Dieu, à la Vérité, existe depuis toujours. En Occident, il est difficile de parler de Dieu, parce que la société émolliente du bien-être croit ne pas avoir besoin de Lui. Mais ce confort matériel ne suffit pas. Il existe un bonheur caché que les gens cherchent confusément sans le savoir. L’Eglise doit faire découvrir à l’homme ces besoins intérieurs, ces richesses de l’âme qui le rendent pleinement homme, qui le rendent pleinement heureux. Saint Irénée dit que « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » ; c’est la mission de l’Eglise de guider l’homme dans cette montée vers Dieu. Mais si les prêtres sont englués dans le matérialisme, ils ne pourront pas guider le monde vers le bonheur véritable.
La vraie réforme porte sur notre propre conversion. Si nous ne changeons pas nous-mêmes, toutes les réformes de structure seront inutiles. Laïcs, prêtres, cardinaux, nous devons tous revenir vers Dieu.
Cette désaffection vis-à-vis de l’Eglise, les responsables catholiques ont souvent tendance à la mettre sur le dos du matérialisme ambiant, des évolutions de la société. Ne serait-il pas utile que l’Eglise s’interroge aussi sur ses responsabilités, sur la façon dont elle a pu éloigner les fidèles en désacralisant la liturgie, en tournant le dos à la pitié populaire ou en affadissant sa prédication ?
Je suis convaincu que la responsabilité première de cet écroulement de la foi doit être assumée par les prêtres. Dans les séminaires ou dans les universités catholiques, nous n’avons pas toujours enseigné la doctrine. Nous avons enseigné ce qui nous plaisait ! Le catéchisme aux enfants a été abandonné. La confession a été méprisée. D’ailleurs, il n’y avait plus de prêtres dans les confessionnaux ! Nous sommes donc partiellement responsables de cet effondrement. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt en particulier, chaque prêtre faisait ce qu’il voulait à la messe. Il n’y avait pas deux messes qui se ressemblaient : voilà ce qui a découragé tant de fidèles d’y venir. Le pape Benoît XVI dit que la crise de la liturgie a provoqué la crise de l’Eglise. Lex orandi, lex credendi : comme on prie, on croit. S’il n’y a plus de foi, la liturgie est réduite à un show, à un folklore, et les fidèles se détournent. Nous avons probablement été coupables de négligence. La désacralisation de la liturgie a toujours des conséquences graves. Nous avons voulu humaniser la messe, la rendre compréhensible, mais elle reste un mystère qui est au-delà de la compréhension. Quand je dis la messe, quand je donne l’absolution, je saisis les mots que je dis, mais le mystère que ces mots réalisent, l’intelligence ne peut pas le comprendre. Si nous ne rendons pas justice à ce grand mystère, nous ne pouvons pas amener le peuple à une vraie relation à Dieu. Aujourd’hui encore, nous avons une pastorale trop horizontale : comment voulez-vous que les gens pensent à Dieu, si ce sont uniquement les questions sociales qui occupent l’Eglise ?
On attend de façon imminente une réforme de la curie romaine. Dans votre livre, vous êtes assez sceptique sur ces réformes de structure…
La vraie réforme porte sur notre propre conversion. Si nous ne changeons pas nous-mêmes, toutes les réformes de structure seront inutiles. Laïcs, prêtres, cardinaux, nous devons tous revenir vers Dieu. L’histoire a connu deux réformateurs : Luther, qui a voulu changer la face de l’Eglise et qui a fini par en sortir, et François d’Assise qui a transformé l’Eglise en vivant radicalement l’Evangile. Aujourd’hui, la vraie réforme, c’est une vie radicalement évangélique. Mère Teresa, d’une manière discrète et humble, a réformé l’Eglise, en ne se lassant pas de proclamer à la face du monde : ”Occupe-toi des pauvres, mais avant cela, occupe-toi d’abord de Dieu”. Elle savait par expérience que nous sommes trop pauvres pour nous occuper des pauvres. Tant que nous ne sommes pas enrichis par la présence de Dieu en nous, on ne peut pas s’occuper des plus faibles.
On parle aussi beaucoup de synodalité, de collégialité. Vous pointez dans votre livre le risque que des conférences épiscopales se contredisent entre elles. Craignez-vous qu’une réforme du centralisme de l’Eglise romaine mette en danger son unité ?
Le Christ a fondé une Église dont le mode de gouvernement est hiérarchique. Le premier responsable de l’Eglise, c’est le pape. Le premier responsable de l’Eglise locale, c’est l’évêque en son diocèse, et non la Conférence épiscopale, qui est utile pour échanger, pas pour imposer une direction. Je pense qu’il faut retrouver cette responsabilité première du pape et de chaque évêque. Les grands évêques de l’histoire, Ambroise ou Augustin, ne passaient pas leur temps à faire des réunions à droite, des commissions à gauche, des voyages continuels. Il faut que l’évêque soit avec son peuple, enseigne son peuple, aime son peuple.
Une Conférence épiscopale n’a pas d’autorité juridique, ni de compétence propre dans le domaine de la doctrine. D’ailleurs, je constate tristement qu’il y a déjà des contradictions entre les conférences épiscopales, ce qui ne favorise pas la sérénité des chrétiens. « Qu’ils soient uns », a dit le Seigneur, pour que cette unité provoque la foi. Si nous continuons dans cette direction qui consiste à mettre à mal l’unité doctrinale et morale, nous contribuerons à accroître l’incroyance.
Qu’avez-vous pensé du livre Sodoma ? Pensez-vous qu’on assiste actuellement à une offensive généralisée contre la figure du prêtre, objet de scandale pour une société hypersexualisée ?
Je n’ai pas lu ce livre. Mais je crois qu’il y a un projet particulièrement structuré de destruction de l’Eglise en décapitant la tête, les cardinaux, les évêques et les prêtres. On s’acharne à détruire le sacerdoce, et notamment à détruire le célibat, qui serait impossible et contre-nature : parce que si on détruit le célibat, on affecte sans retour une des plus grandes richesses de l’Eglise. L’abandon du célibat aggraverait encore la crise de l’Eglise et amoindrirait la position du prêtre, qui est appelé à être non seulement un autre Christ, mais le Christ lui-même, pauvre, humble et célibataire. Si le célibat disparaît, c’est le témoignage que Jésus a voulu donner qui meurt.
Il y a une volonté d’affaiblir l’Eglise, de modifier son enseignement sur la sexualité. Mais quand on voit la quantité énorme de prêtres fidèles dans le sacerdoce, il faut rester serein, et poursuivre notre témoignage de don total à Dieu par le célibat. Ce témoignage n’est pas compris. Il est détesté ? Jésus-Christ lui-même n’a pas été accepté, puisqu’il est mort sur la Croix. Jésus nous a dit : « Ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi. »
Il y a des hommes d’Eglise, certains haut placés, qui ont terni l’Eglise, défiguré le visage du Christ, mais Judas ne doit pas nous conduire à rejeter tous les apôtres. Ces défaillances graves ne condamnent pas l’Eglise : au contraire, cela montre que Dieu fait confiance, même à des personnes faibles, pour montrer la puissance de son amour pour nous. Il ne confie pas son Eglise à des héros exceptionnels, mais à des hommes simples, pour montrer que c’est Lui qui agit à travers eux.
Je suis choqué qu’on ait condamné Mgr Barbarin alors que l’horrible prêtre qui a commis ces crimes inqualifiables n’a toujours pas été jugé… Je me tiens au côté du cardinal Barbarin dans la prière, comme je suis au côté des victimes.
Sur la pédophilie, vous parlez d’un « mystère de Judas », en précisant que cette abominable trahison du sacerdoce a été précédée par bien d’autres : quelles sont-elles ?
Un prêtre qui a perdu son lien avec Jésus, qui ne prie pas, qui ne prend pas le temps d’être avec le Christ devant le Saint-Sacrement, est un prêtre fragilisé. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », disait le Christ. Un prêtre mondain qui n’a plus le temps de méditer la Parole de Dieu, qui bâcle sa messe ou la célèbre de manière profane, qui n’a pas de vie intérieure, ne peut pas tenir. Si on peut arriver à des agissements aussi graves, c’est parce qu’on s’est d’abord détaché de Jésus, de la force qui nous maintient en lien avec lui. Pour ne pas distribuer les sacrements comme un simple fonctionnaire, comme s’il s’agissait d’un simple phénomène humain, on a besoin d’une énergie qui vient de notre relation avec l’Esprit saint. Et malheureusement, beaucoup d’entre nous ont perdu cette relation intime avec Jésus. L’activisme sacerdotal conduit à l’autisme clérical, source de toutes les dérives.
Que pensez-vous de la condamnation du cardinal Barbarin ?
Je le connais depuis longtemps. J’ai beaucoup d’admiration pour lui. Il m’a accueilli très amicalement quand je suis venu à Lyon présenter mon livre la Force du silence. Je ne peux pas ne pas souffrir du martyre qu’on lui impose, d’autant que je suis persuadé qu’il est innocent. Toute l’Eglise porte cette souffrance collégialement. Le pape a eu vraiment raison de prendre la décision de ne pas accepter sa démission pour respecter la présomption d’innocence en attendant le jugement en appel. Et le cardinal Barbarin a été courageux de se mettre en retrait, en partant dans un monastère, pour le bien du diocèse et pour apporter la paix aux victimes de ces actes abominables. Mais je suis choqué qu’on ait condamné Mgr Barbarin alors que l’horrible prêtre qui a commis ces crimes inqualifiables n’a toujours pas été jugé… Je me tiens au côté du cardinal Barbarin dans la prière, comme je suis au côté des victimes.
Beaucoup de nos contemporains voient l’Eglise comme une organisation totalitaire, qui va leur imposer une façon de vivre. Vous affirmez au contraire que c’est l’Eglise qui est le rempart contre le totalitarisme contemporain…
Ce sont les idéologies nouvelles qui imposent un changement radical de la morale, de l’anthropologie humaine, une nouvelle vision de la famille, de la sexologie, avec des pressions importantes, financières et médiatiques. L’Eglise n’impose rien, elle ne fait que proposer. Mais c’est sa mission de proposer l’enseignement de Dieu au monde.
Vous allez jusqu’à renvoyer dos à dos la « barbarie islamiste » et la « barbarie matérialiste », au risque de choquer…
En tout cas, c’est ma conviction ! Ce sont deux démons, qui ont peut-être des méthodologies différentes, mais ils agissent dans la même direction. Le matérialisme nous éloigne radicalement de Dieu et de l’homme intérieur. L’islamisme aussi. Dieu ne peut pas inspirer la barbarie. Tuer quelqu’un parce qu’il ne partage pas votre foi ? Faire éclater une bombe dans un bus et tuer des innocents au nom d’Allah ? C’est chose impossible à Dieu.
Mais la barbarie matérialiste n’a pas pour objectif affiché la destruction, elle prétend amener l’homme au bonheur de la libération…
C’est détruire un homme que de lui dire : « Tu es libre de choisir ton sexe. » C’est en réalité la liberté de se détruire. Mais Dieu seul nous rend libres ! De nos jours, que de destructions humaines, sous prétexte de liberté ! Au nom de cette même liberté, on détruit beaucoup de jeunes par la pornographie. L’homme s’autodétruit ; Dieu, lui, crée, pour que l’homme ait la vie, et la vie en plénitude.
Vous écrivez aussi que le monde moderne détruit en s’attaquant aux identités. Vous, au contraire, défendez cet enracinement que Simone Weil décrivait comme le premier besoin de l’âme humaine. Cela fait de vous une voix un peu isolée dans une Eglise qui semble parfois devenue un simple supplétif du parti immigrationniste…
Quand je suis allé en Pologne [en octobre 2017, NDLR], pays qui est souvent critiqué, j’ai encouragé les fidèles à affirmer leur identité comme ils l’ont fait pendant des siècles. Mon message fut simple : vous êtes d’abord Polonais, catholiques, et ensuite seulement européens. Vous ne devez pas sacrifier ces deux premières identités sur l’autel de l’Europe technocratique et apatride. La Commission de Bruxelles ne pense qu’à la construction d’un libre marché au service des grandes puissances financières. L’Union européenne ne protège plus les peuples. Elle protège les banques. J’ai voulu redire à la Pologne sa mission singulière dans le plan de Dieu. Elle est libre de dire à l’Europe que chacun a été créé par Dieu pour être placé en un endroit précis, avec sa culture, ses traditions, et son histoire. Cette volonté actuelle de globaliser le monde en supprimant les nations, les spécificités, est une pure folie. Le peuple juif a dû s’exiler, mais Dieu l’a ramené dans son pays. Le Christ a dû fuir Hérode en Egypte, mais il est revenu dans son pays à la mort d’Hérode. Chacun doit vivre dans son pays. Comme un arbre, chacun a son sol, son milieu où il s’épanouit parfaitement. Il vaut mieux aider les gens à s’épanouir dans leur culture, que de les encourager à venir dans une Europe en pleine décadence. C’est une fausse exégèse que d’utiliser la Parole de Dieu pour valoriser la migration. Dieu n’a jamais voulu ces déchirements.
Il faut que nous soyons en tout des résistants, que nous prenions la direction contraire du monde sécularisé, c’est-à-dire la route du Christ, l’unique sauveur du monde. J’encourage les jeunes à regarder vers le Christ.
Vous écrivez que les pays du pacte de Visegrad ou l’Italie vont dans la bonne direction, alors que tant de voix dans l’Eglise les condamnent. Ne pensez-vous pas que l’Eglise y risque son avenir : comment évangéliser des peuples en condamnant leur souci de rester eux-mêmes ?
Les dirigeants qui parlent comme moi sont-ils aujourd’hui minoritaires ? Je ne le pense pas. Il existe beaucoup de pays qui vont dans cette direction, et cela devrait nous amener à réfléchir ! Tous les migrants qui arrivent en Europe sont parqués, sans travail, sans dignité… C’est cela que l’Eglise veut ? L’Eglise ne peut pas coopérer avec cette nouvelle forme d’esclavage qu’est devenue la migration de masse. Si l’Occident continue dans cette voie funeste, il y a un grand risque que, faute de natalité, elle disparaisse, envahie par les étrangers, comme Rome a été envahie par les barbares. Je parle en africain. Mon pays est majoritairement musulman. Je crois savoir de quelle réalité je parle.
Certains, dans l’Eglise, semblent s’accommoder de faire une croix sur l’Europe, de la passer par pertes et profit. Vous écrivez au contraire que la paganisation de l’Europe entraînerait la paganisation du monde…
Dieu ne change pas d’avis. Dieu a donné une mission à l’Europe qui a accueilli le christianisme. Puis les missionnaires européens ont apporté le Christ jusqu’aux confins du monde. Et ce n’était pas un hasard, mais le plan de Dieu. Cette mission universelle qu’Il a donnée à l’Europe quand Pierre et Paul sont venus s’installer à Rome, à partir de laquelle l’Eglise a évangélisé l’Europe et le monde, elle n’est pas terminée. Mais si nous y mettons un terme en nous enfonçant dans le matérialisme, l’oubli de Dieu et l’apostasie, alors les conséquences seront graves. Si l’Europe disparaît, et avec elle les valeurs inestimables du vieux continent, l’islam envahira le monde, et nous changerons totalement de culture, d’anthropologie, et de vision morale.
Vous citez très abondamment Benoît XVI, quand tant de gens considèrent ce pontificat avorté comme un échec. Quelle est selon vous sa fécondité ?
Dieu a vu que le monde s’enfonçait dans une confusion funeste. Il sait que plus personne ne sait où nous allons. Il voit bien que nous perdons toujours plus nos identités, nos croyances, notre vision de l’homme et du monde… Pour nous préparer à cette situation, Dieu nous a donné des papes solides : il nous a donné Paul VI, qui a défendu la vie et le véritable amour, malgré des oppositions très fortes, avec l’encyclique Humanae vitae ; il nous a donné Jean-Paul II, qui a travaillé au mariage de la foi et de la raison pour qu’elles soient la lumière qui guide le monde vers une véritable vision de l’homme — la vie même du grand Pape polonais a été un Evangile vivant. Il nous a donné Benoît XVI, qui a composé un enseignement d’une clarté, d’une profondeur et d’une précision sans égales. Aujourd’hui, il nous donne François qui veut littéralement sauver l’humanisme chrétien. Dieu n’abandonnera jamais son Eglise.
C’est pourquoi nous devons rester sereins : l’Église n’est pas en crise, c’est nous qui sommes en crise. Son enseignement reste le même, sa clarté reste la même. C’est vrai que Benoît XVI n’a pas été compris ni accepté, son passé à la Congrégation pour la doctrine de la foi l’avait fait regarder comme un traditionaliste, un réactionnaire, mais il est demeuré calme, serein et humble. Il a été un socle pour la doctrine, pour la vie intérieure, pour l’avenir de l’Eglise.
À l’adresse de la jeunesse catholique, vous citez cette très belle phrase du poète anglais T.S. Eliot : « Dans le monde des fugitifs, celui qui prend la direction opposée aura l’air d’un déserteur. » Les jeunes croyants sont-ils voués à être des résistants ?
Il faut que nous soyons en tout des résistants, que nous prenions la direction contraire du monde sécularisé, c’est-à-dire la route du Christ, l’unique sauveur du monde. J’encourage les jeunes à regarder vers le Christ. Dans le roman d’Hemingway le Vieil homme et la mer, on voit le héros tenter de remorquer vers le port un gros poisson qu’il a pêché. Mais il ne peut pas le hisser seul hors de l’eau ; le temps qu’il arrive au port, les requins ont dévoré le poisson. Les jeunes sont fragilisés aujourd’hui par tellement de sollicitations, que s’ils s’isolent, ils courent le risque énorme d’être dévorés. Aujourd’hui, si vous êtes seuls, il y a beaucoup de requins qui vont dévorer votre foi, vos valeurs chrétiennes, votre espérance. Jésus a créé une communauté de douze apôtres et quand il a fallu les envoyer en mission, il les a envoyés deux par deux. Désormais, pour défendre notre croyance, pour être solide, il faut nous soutenir mutuellement dans la foi, marcher comme une communauté unie autour du Christ : « Là où deux ou trois sont réunis, je suis au milieu d’eux. » C’est de cette présence que nous pouvons tirer notre force. Le soir approche et déjà le jour baisse est une réponse pensée et argumentée à cette urgence.
Propos recueillis à Rome par Laurent Dandrieu
Le soir approche et déjà le jour baisse, du cardinal Robert Sarah avec Nicolas Diat, Fayard, 450 pages, 22,90 €.
Cardinal Sarah: “The Church is plunged into the darkness of Good Friday”
On the occasion of the publication of his new book, the Prefect of the Congregation for Divine Worship, one of the strongest voices in the Church, received us in Rome for an exclusive interview.
Lovers of boxwood language, abstain! If the books of Catholic prelates often cause boredom polished by their lukewarm herbal tea, the Evening is approaching and already the day is falling, the new book of interviews of Cardinal Robert Sarah with Nicolas Diat, looks like strong alcohol. Recalling that a world that forgets God is going to its downfall, turning “materialist barbarism” and “Islamist barbarism” against each other, urging the Church to put Christ back at the centre, denouncing the Marrakech Pact supported by the Vatican or warning against the ordination of married men that some would like to experience at the next Synod on the Amazon, Cardinal Sarah invites us to a true spiritual resistance, reminding us that only Christ is the Hope of the world.
Why did you choose such a dark title, at the risk of scaring the reader?
This book is first and foremost a call to lucidity and clairvoyance. The Church is in a great crisis. The winds are of a rare violence. Rare are days without scandal, real or false. The faithful can therefore legitimately question themselves. I wanted this book for them. I hope that they will be able to come out of this reading with the joy that Christ gives: “Stay with us, Lord: the evening is approaching and the day is already falling. “It is the resurrection of the Son of God that gives Hope in the darkness.
Is the choice of this verse from the Gospel of the Emmaus pilgrims a way for you to indicate that the Church does not put Christ and prayer sufficiently at the centre?
I firmly believe that the situation we live in the Church is very similar to that of Good Friday, when the apostles abandoned Christ, when Judas betrayed him, because the traitor wanted a Christ in his own way, a Christ concerned about political issues. Today, many priests and bishops are literally bewitched by political or social issues. In reality, these questions will never be answered outside of Christ’s teaching. It makes us more united, more fraternal; as long as we do not have Christ as our great brother, the first-born of a multitude of brothers, there is no solid charity, no true otherness. Christ is the only light in the world. How could the Church turn away from this light? How can she spend her time getting lost in purely materialistic matters?
Certainly, it is important to be sensitive to people in suffering. I am thinking in particular of men who leave their country. But why are they moving away from their land? Because faithless powers, who have lost God, for whom only money and power matter, have destabilized their nations. These difficulties are immense. But, I repeat, the Church must first of all restore to men the ability to look to Christ: “When I am lifted up, I will attract all men”. It is the crucified Christ who teaches us to pray and to say: “Forgive them, they do not know what they are doing”. It is by looking at the Son of God that the Church will be able to learn to lead people to prayer and to forgive like Christ. This book is intended to try to restore to the Church the meaning of her great divine mission. So that she can bring men to Christ who is Hope. This is the meaning of the title of our book: today everything is dark, difficult, but whatever the difficulties we are going through, there is only one person who can come to our rescue. There must be an institution to lead to this person: it is the Church.
Reminding the Church of her true mission: it is a way of saying that she sometimes deviates from it. You go so far as to denounce the pastors who betray their sheep, which many Catholics find hard to believe…
Your remark is not specific to our time: look at the Old Testament, which abounds in bad pastors, those men who like to enjoy the meat or wool of their sheep, without taking care of them! There have always been betrayals in the Church. Today, I am not afraid to say that priests, bishops and even cardinals are afraid to proclaim what God teaches and to transmit the doctrine of the Church. They are afraid of being disapproved, of being seen as reactionaries. So they say things that are vague, vague, imprecise, to avoid any criticism, and they espouse the stupid evolution of the world. It is a betrayal: if the pastor does not lead his flock to the still waters, to the meadows of fresh grass of which the psalm speaks, if he does not protect it from the wolves, he is a criminal pastor who abandons his sheep. If he does not teach faith, if he indulges in activism instead of reminding people that they are made to pray, he betrays his mission. Jesus said, “I will strike the shepherd, and the sheep will be scattered. “That’s what’s happening today. We don’t know who to turn to anymore.
Clearly, there is a strong majority of priests who remain faithful to their mission of teaching, sanctification and government. But there is also a small number who give in to the morbid and evil temptation to align the Church with the values of contemporary Western societies.
Is there not today, more specifically, the temptation for some to align the Church with the values of the world, so that they are no longer in contradiction with it?
Clearly, there is a strong majority of priests who remain faithful to their mission of teaching, sanctification and government. But there is also a small number who give in to the morbid and evil temptation to align the Church with the values of contemporary Western societies. Above all, they want us to say that the Church is open, welcoming, attentive and modern. But the Church is not made to listen, she is made to teach: she is Mother and Magistra, mother and educator. Of course, the mother listens to her child, but she is first present to teach, guide and direct, because she knows better than her children the direction to take. Some have adopted the ideologies of today’s world under the false pretext of opening up to the world; but instead, we should encourage the world to open itself to God, who is the source of our existence.
You speak in your book of a crisis of moral theology: is it not above all the temptation to sacrifice doctrine for pastoral care, that is, the content for the container, and a false conception of mercy, so concerned about displaying its understanding that it forgets to recall the rules of good life?
All pastoral work is like a house: if there are no foundations, the house collapses. Pastoral care must be built on the teaching of the Church. Too often the doctrine is forgotten to focus only on pastoral care; but it is then an empty, childish and silly pastoral care. Doctrine cannot be sacrificed to a pastoral ministry that would be reduced to the small portion of mercy: God is merciful, but only to the extent that we recognize that we are sinners. To allow God to exercise His mercy, we must return to Him, like the prodigal child. There is a perverse tendency to distort pastoral care, to oppose it to doctrine, and to present a merciful God who demands nothing: but there is not a father who does not demand anything from his children! God, like any good father, is demanding, because he has immense ambitions for us. The Father wants us to be in his image and likeness.
You speak of a weakening of the faith of the faithful, what Benedict XVI called a “bourgeois Christianity” or what Pope Francis calls the “paganization of the Christian life”. Those Christians who no longer want to be the salt of the Earth but prefer to be its sugar, is this not an even greater challenge than the heresies of the past?
This kind of softness or dulling is part of today’s culture: you have to be tolerant, respect people, evolve with them. Of course, we have a duty to be understanding, to walk at people’s pace, but at the same time we must help them strengthen their muscles. You need muscles to do mountaineering. The same qualities are required to climb the mountain God: you need the muscles of faith, will, hope, and love. It is important that we do not deceive the faithful with a soft religion, without demands, without morals. The Gospel is demanding: “If your eye is an opportunity for you to fall, tear it off! If your right hand is an opportunity to fall, cut it off! “Our role is precisely to bring the people to this evangelical demand.
You write that “the West experiences the radical and deliberately willed solitude of the damned”: how can we talk about God to people who, as you write, “do not feel the need to be saved”?
Look at Christ: do you think the people in front of him wanted to listen to him? Opposition to God, to the Truth, has always existed. In the West, it is difficult to talk about God, because the society that emollifies well-being believes it does not need Him. But this material comfort is not enough. There is a hidden happiness that people seek confusingly without knowing it. The Church must make man discover those inner needs, those riches of the soul that make him fully human, that make him fully happy. Saint Irenaeus says that “God became man so that man might become God”; it is the mission of the Church to guide man in this ascent to God. But if priests are stuck in materialism, they will not be able to guide the world to true happiness.
True reform is about our own conversion. If we do not change ourselves, all structural reforms will be useless. Lay people, priests, cardinals, we must all return to God.
This disaffection with the Church is often blamed by Catholic leaders on the prevailing materialism and changes in society. Would it not be useful for the Church to also question its responsibilities, how it has been able to drive the faithful away by desecrating the liturgy, by turning its back on popular pity or by weakening its preaching?
I am convinced that the primary responsibility for this collapse of faith must be assumed by priests. In Catholic seminaries or universities, we have not always taught doctrine. We taught what we liked! The catechism for children has been abandoned. The confession was despised. Besides, there were no more priests in the confessionals! We are therefore partly responsible for this collapse. In the seventies and eighties in particular, each priest did what he wanted at Mass. No two Masses were alike: this is what discouraged so many faithful from coming to them. Pope Benedict XVI says that the crisis in the liturgy has caused the crisis in the Church. Lex orandi, lex credendi: as we pray, we believe. If there is no more faith, the liturgy is reduced to a show, to folklore, and the faithful turn away. We were probably guilty of negligence. The desacralization of the liturgy always has serious consequences. We wanted to humanize the Mass, make it understandable, but it remains a mystery that is beyond comprehension. When I say Mass, when I give absolution, I grasp the words I say, but the mystery that these words realize, the intelligence cannot understand it. If we do not do justice to this great mystery, we cannot lead the people to a true relationship with God. Even today, we have a pastoral care that is too horizontal: how can people think of God, if it is only social issues that occupy the Church?
A reform of the Roman curia is imminent. In your book, you are quite sceptical about these structural reforms.…
True reform is about our own conversion. If we do not change ourselves, all structural reforms will be useless. Lay people, priests, cardinals, we must all return to God. History has seen two reformers: Luther, who wanted to change the face of the Church and eventually emerged from it, and Francis of Assisi, who transformed the Church by radically living the Gospel. Today, true reform is a radically evangelical life. Mother Teresa, in a discreet and humble way, reformed the Church, never tiring of proclaiming before the world: “Take care of the poor, but before that, take care first of God”. She knew from experience that we are too poor to care for the poor. As long as we are not enriched by the presence of God in us, we cannot care for the weakest.
We also talk a lot about synodality, collegiality. You point out in your book the risk that Episcopal Conferences may contradict each other. Do you fear that a reform of the Roman Church’s centralism will endanger its unity?
Christ founded a Church whose mode of government is hierarchical. The first leader of the Church is the Pope. The first leader of the local Church is the bishop in his diocese, and not the Bishops’ Conference, which is useful for exchange, not for imposing leadership. I think that this primary responsibility of the Pope and each bishop must be restored. The great bishops of history, Ambrose or Augustine, did not spend their time making meetings on the right, commissions on the left, continuous journeys. The bishop must be with his people, teach his people, love his people.
A Bishops’ Conference has no legal authority or competence in the field of doctrine. Moreover, I sadly note that there are already contradictions between the Bishops’ Conferences, which does not favour the serenity of Christians. “May they be one,” said the Lord, so that this unity may provoke faith. If we continue in this direction of undermining doctrinal and moral unity, we will help to increase unbelief.
What did you think of the Sodoma book? Do you think that we are currently witnessing a widespread offensive against the figure of the priest, an object of scandal for a hypersexualized society?
I haven’t read this book. But I believe that there is a particularly structured plan to destroy the Church by beheading the head, the cardinals, the bishops and the priests. We are determined to destroy the priesthood, and in particular to destroy celibacy, which would be impossible and unnatural: because if we destroy celibacy, we affect without return one of the greatest riches of the Church. Abandoning celibacy would further aggravate the crisis of the Church and weaken the position of the priest, who is called to be not only another Christ, but Christ himself, poor, humble and unmarried. If celibacy disappears, it is the testimony Jesus wanted to give that dies.
There is a desire to weaken the Church, to change her teaching on sexuality. But when we see the enormous number of faithful priests in the priesthood, we must remain serene and continue our witness of total gift to God through celibacy. This testimony is not understood. Is he hated? Jesus Christ himself was not accepted, since he died on the Cross. Jesus told us: “They persecuted me, they will persecute you too. »
There are men of the Church, some in high places, who have tarnished the Church, disfigured the face of Christ, but Judas must not lead us to reject all the apostles. These serious failures do not condemn the Church: on the contrary, they show that God trusts even weak people to show the power of his love for us. He does not entrust his Church to exceptional heroes, but to simple men, to show that it is He who acts through them.
I am shocked that Bishop Barbarin has been condemned while the horrible priest who committed these unspeakable crimes has still not been judged… I stand by Cardinal Barbarin in prayer, as I stand by the victims.
On paedophilia, you speak of a “mystery of Judas”, specifying that this abominable betrayal of the priesthood was preceded by many others: what are they?
A priest who has lost his bond with Jesus, who does not pray, who does not take the time to be with Christ before the Blessed Sacrament, is a weakened priest. “Without me, there is nothing you can do,” said Christ. A worldly priest who no longer has time to meditate on the Word of God, who fails to celebrate his Mass or celebrates it in a profane way, who has no inner life, cannot hold on. If we can achieve such serious actions, it is because we first detached ourselves from Jesus, from the force that keeps us connected to him. In order not to distribute the sacraments like a simple civil servant, as if it were a simple human phenomenon, we need an energy that comes from our relationship with the Holy Spirit. And unfortunately, many of us have lost this intimate relationship with Jesus. Priestly activism leads to clerical autism, the source of all abuses.
What do you think of Cardinal Barbarin’s conviction?
I’ve known him for a long time. I have a lot of admiration for him. He welcomed me very friendly when I came to Lyon to present my book La Force du silence. I cannot avoid suffering from the martyrdom imposed on him, especially since I am convinced that he is innocent. The whole Church carries this suffering collectively. The Pope was really right to take the decision not to accept his resignation in order to respect the presumption of innocence while awaiting the judgment on appeal. And Cardinal Barbarin was courageous to step back, leaving for a monastery, for the good of the diocese and to bring peace to the victims of these abominable acts. But I am shocked that Bishop Barbarin has been condemned while the horrible priest who committed these unspeakable crimes has still not been judged… I stand by Cardinal Barbarin in prayer, as I stand by the victims.
Many of our contemporaries see the Church as a totalitarian organization, which will impose a way of life on them. On the contrary, you affirm that it is the Church that is the bulwark against contemporary totalitarianism…
It is the new ideologies that impose a radical change in morality, human anthropology, a new vision of the family, sexology, with significant financial and media pressures. The Church does not impose anything, it only proposes. But it is its mission to offer God’s teaching to the world.
You go so far as to turn “Islamist barbarism” and “materialist barbarism” against each other, at the risk of shocking…
In any case, that’s my conviction! They are two demons, who may have different methodologies, but they are working in the same direction. Materialism radically distances us from God and from the inner man. Islamism too. God cannot inspire barbarism. Killing someone because they don’t share your faith? Blowing up a bomb on a bus and killing innocent people in the name of Allah? This is impossible for God.
But materialist barbarism does not have as its stated objective destruction, it claims to bring man to the happiness of liberation.…
It is destroying a man to say to him: “You are free to choose your sex. “It is actually the freedom to destroy oneself. But God alone makes us free! Nowadays, there is so much human destruction, under the pretext of freedom! In the name of the same freedom, many young people are destroyed by pornography. Man destroys himself; God creates, so that man may have life, and life in fullness.
You also write that the modern world destroys by attacking identities. On the contrary, you defend this rootedness that Simone Weil described as the first need of the human soul. This makes you a somewhat isolated voice in a Church that sometimes seems to have become a mere substitute for the immigration party…
When I went to Poland[in October 2017, editor’s note], a country that is often criticized, I encouraged the faithful to affirm their identity as they have done for centuries. My message was simple: you are first Polish, Catholic, and then only European. You must not sacrifice these first two identities at the altar of technocratic and stateless Europe. The Brussels Commission is only thinking of building a free market at the service of the major financial powers. The European Union no longer protects people. It protects banks. I wanted to repeat to Poland its singular mission in God’s plan. It is free to tell Europe that everyone has been created by God to be placed in a specific place, with its culture, traditions, and history. This current desire to globalize the world by suppressing nations and specificities is pure madness. The Jewish people had to go into exile, but God brought them back to his country. Christ had to flee Herod to Egypt, but he returned to his country after Herod’s death. Everyone must live in their own country. Like a tree, everyone has their own soil, their own environment where they flourish perfectly. It is better to help people to flourish in their culture than to encourage them to come to a Europe in decline. It is a false exegesis to use the Word of God to value migration. God never wanted these tears.
We must be resisters in everything, we must take the opposite direction of the secularized world, that is, the road of Christ, the only savior of the world. I encourage young people to look to Christ.
You write that the countries of the Visegrad Pact or Italy are moving in the right direction, while so many voices in the Church condemn them. Do you not think that the Church risks its future there: how to evangelize peoples by condemning their concern to remain themselves?
Are the leaders who speak like me now a minority? I don’t think so. There are many countries that are moving in this direction, and this should make us think! All migrants arriving in Europe are parked, without work, without dignity… Is this what the Church wants? The Church cannot cooperate with this new form of slavery that mass migration has become. If the West continues along this fateful path, there is a great risk that, in the absence of a birth rate, it will disappear, invaded by foreigners, just as Rome was invaded by the barbarians. I speak in African. My country is predominantly Muslim. I think I know what reality I’m talking about.
Some in the Church seem to be able to put an end to Europe, to write it off as a profit and loss. On the contrary, you write that the paganization of Europe would lead to the paganization of the world…
God does not change his mind. God gave a mission to Europe that welcomed Christianity. Then the European missionaries brought Christ to the ends of the earth. And it was not a coincidence, but God’s plan. This universal mission that He gave to Europe when Peter and Paul came to settle in Rome, from which the Church evangelized Europe and the world, is not over. But if we put an end to it by sinking into materialism, forgetting God and apostasy, then the consequences will be serious. If Europe disappears, and with it the priceless values of the old continent, Islam will invade the world, and we will totally change culture, anthropology, and moral vision.
You quote Benedict XVI very abundantly, when so many people consider this aborted pontificate a failure. What do you think is its fertility?
God saw that the world was sinking into a disastrous confusion. He knows that no one knows where we’re going anymore. He can see that we are losing more and more our identities, our beliefs, our vision of man and the world… To prepare ourselves for this situation, God has given us solid popes: He gave us Paul VI, who defended life and true love, despite very strong oppositions, with the encyclical Humanae vitae; he gave us John Paul II, who worked on the marriage of faith and reason so that they could be the light that guides the world towards a true vision of man — the very life of the great Polish Pope was a living Gospel. He gave us Benedict XVI, who composed a teaching of unparalleled clarity, depth and precision. Today, he gives us Francis who literally wants to save Christian humanism. God will never abandon His Church.
That is why we must remain calm: the Church is not in crisis, we are in crisis. His teaching remains the same, his clarity the same. It is true that Benedict XVI was not understood or accepted, his past at the Congregation for the Doctrine of the Faith had made him see himself as a traditionalist, a reactionary, but he remained calm, serene and humble. It has been a foundation for doctrine, for the interior life, for the future of the Church.
To Catholic youth, you quote this very beautiful sentence from the English poet T.S. Eliot: “In the world of fugitives, whoever takes the opposite direction will look like a deserter. “Are young believers destined to be resistance fighters?
We must be resisters in everything, we must take the opposite direction of the secularized world, that is, the road of Christ, the only savior of the world. I encourage young people to look to Christ. In Hemingway’s novel The Old Man and the Sea, we see the hero trying to tow a large fish he caught to the port. But he can’t pull it out of the water alone; by the time it gets to port, the sharks have eaten the fish. Young people are weakened today by so many demands that if they isolate themselves, they run the enormous risk of being devoured. Today, if you are alone, there are many sharks that will devour your faith, your Christian values, your hope. Jesus created a community of twelve apostles and when it came time to send them on mission, he sent them two by two. From now on, to defend our belief, to be solid, we must support each other in faith, walk as a community united around Christ: “Where two or three are gathered, I am in the midst of them. “It is from this presence that we can draw our strength. The evening is approaching and the day is already falling, a thoughtful and reasoned response to this urgency.
Interview in Rome by Laurent Dandrieu
The evening is approaching and already the day is falling, from Cardinal Robert Sarah with Nicolas Diat, Fayard, 450 pages, 22,90 €.