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Regards sur un auteur controversé / Perspectives on a controversial author : Yuval Noah Harari / Réflexions sur l’intelligence artificielle — REFLECTIONS ON ARTIFICIAL INTELLIGENCE: Qu’est-ce qui rend l’intelligence humaine inimitable ? Intelligence humaine et artificielle, quelles différences, comment les comprendre ? (Par le Professeur Philibert Secretan)

Regards sur un auteur controversé / Perspectives on a controversial author : Yuval Noah Harari / Réflexions sur l’intelligence artificielle — REFLECTIONS ON ARTIFICIAL INTELLIGENCE: Qu’est-ce qui rend l’intelligence humaine inimitable ? Intelligence humaine et artificielle, quelles différences, comment les comprendre ? (Par le Professeur Philibert Secretan)

Le pro­fesseur Philib­ert Sec­re­tan a été Pro­fesseur de philoso­phie dans les uni­ver­sités de Fri­bourg et de Genève en Suisse. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur la réal­ité, la pen­sée et le sens de la philosophie.

 

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Réflexions sur l’intelligence artificielle

Nature et artifice

Par le Pro­fesseur Philib­ert Secretan

 

 

1. Intro­duc­tion

II. Répliques au transhumanisme

Dépass­er l’homme

Le  vivant

III. Vie et singularité

IV. L’esprit

V. Nature et fonctions

VI. Intel­li­gence et raison

VII. Intel­li­gence arti­fi­cielle et humaine

VIII. Vérité et réalité

Qu’est-ce qu’un artifice ?

IX. Regards sur un auteur con­tro­ver­sé : Yuval Noah Harari

 

 

 

 

1. Introduction

 

Je com­mencerai par faire miennes quelques remar­ques d’un ami espagnol :

« Aujourd’hui on ne dira plus qu’il n’y a pas de Dieu, mais que c’est une con­struc­tion de notre cerveau, de notre réseau neu­ronal ; qu’en plus, nous savons quelle est la région du cerveau où s’élabore cette inven­tion, car nous pou­vons le détecter dans les stades de l’exaltation mys­tique. Et cela seules les neu­ro­sciences le savent, si ce n’est pas aujourd’hui ce sera demain.

» La rai­son a l’épaisseur de la chair. Car rien de ce que nous sommes n’est extérieur à notre être de chair, de notre chair hum­ble et humide, y com­pris évidem­ment, le réseau neu­ronal et les synaps­es chim­iques et élec­triques. Rien en nous, ni ce que nous pen­sons et dis­ons, ni ce que nous faisons, n’est décon­nec­té des humeurs de notre corps. Seule la sci­ence de la logique serait une sci­ence sèche, car elle se con­stru­it en abstrayant tout ce qui n’est que lien de propo­si­tions ; liaisons évidem­ment essen­tielles dans la con­struc­tion de la sphère des ordinateurs.

 

En résumé, nous pou­vons dire que la rai­son n’est pas linéaire, pure­ment ana­ly­tique et logi­ci­enne, mais qu’elle a l’épaisseur d’un réseau de com­pos­si­bil­ités en recherche d’une cohérence pour attein­dre la vérité, et donc le bien, ce pourquoi ce qui est défini­tive­ment nôtre est la réal­ité qui se donne à nous. Réseau de com­pos­si­bil­ités, c’est-à-dire : la con­jonc­tion rationnelle de lignes de pen­sée, d’action et de vie de notre chair, qui con­ver­gent dans des réal­ités et con­flu­ent vers une réal­ité fon­da­trice. Le pas à faire entre l’étant — sien­do— et l’être — ser— relève de l’effort méta­physique du philosophe… La rai­son ne se résume pas à un savoir [de l’étant] ; elle a une ouver­ture essen­tielle sur la volon­té, c’est-à-dire sur le désir [d’être][1].

 

II. Répliques au transhumanisme

 

Plusieurs thèmes por­teurs vont se trou­ver asso­ciés dans un ensem­ble de réflex­ions sus­citées par ce qu’il con­vient d’appeler le tran­shu­man­isme, c’est-à-dire la per­spec­tive d’un cou­plage entre l’homme et des arti­fices qui per­me­t­traient le pas­sage de l’homme à une manière de surhomme. Une recon­nais­sance clair­voy­ante, même som­maire, des neu­ro­sciences, de la robo­t­ique et de l’intelligence arti­fi­cielle devrait suf­fire à l’encrage cri­tique d’une réflex­ion métaphysique.

 

Dépasser l’homme

 

Dépass­er l’homme peut sig­ni­fi­er deux choses : Faire évoluer l’homme dans sa con­di­tion actuelle vers une con­di­tion meilleure : faire vivre l’homme plus longtemps avec moins de maux, ou chang­er le statut de l’homme dans l’ensemble des vivants ; de l’humain tra­di­tion­nelle­ment placé entre l’ange et la bête (Pas­cal), dont il partage d’une part le corps et d’autre part l’esprit, mais en assumant le corps dans la sphère de l’esprit et en inscrivant l’esprit dans la réal­ité physique du corps.

Pas­cal a la sagesse d’écrire que l’homme n’est ni l’un ni l’autre, mais ne dit pas expressé­ment qu’il est un vivant, ni que la vie se man­i­feste tant dans le corps que dans l’esprit. Mais lorsqu’il affirme : « Descartes faux et inutile », je vois cette faus­seté non pas dans le cog­i­to, effec­tive­ment por­teur d’une vérité pre­mière, mais dans la sépa­ra­tion de l’homme en deux « natures » : le corps physique et l’esprit pen­sant, en deux régions hétérogènes de l’être ; plus tard en deux types de sci­ences. Un dual­isme général­isé se répand alors, non sans con­tin­uelle­ment rechercher les points de jonc­tion, des inter­faces, entre les deux hémis­phères ; ou non sans ten­ter de les réduire l’une à l’autre dans un idéal­isme ou un matéri­al­isme à chaque fois totaux et unifiants.

 

Le  vivant

 

La vie se cache-t-elle sous le terme de l’âme, sous les fig­ures de l’animation du corps, de la sen­si­bil­ité vive, de l’intelligence qui donne après avoir reçu, de l’esprit qui crée, se révolte ou se soumet. Je le pense et le crois. Or, cette vie pro­fonde, lorsqu’elle est niée, laisse un corps à l’état de machine, une sen­si­bil­ité à l’état de répons­es à des stim­uli, l’intelligence à l’état d’un for­mal­isme algo­rith­mique, l’esprit à l’état d’un en-soi virtuel.

Mais la vie ain­si man­i­festée est irré­ductible à l’une au l’autre de ses man­i­fes­ta­tions. Elle n’est ni pure­ment biologique, ni essen­tielle­ment psy­chique. Elle est con­crète­ment et par déf­i­ni­tion en chaque vivant. En ce sens, elle est à la fois uni­verselle et con­crétisée en tout vivant. Aris­tote appelle l’homme un zoon, un vivant ani­mé, logon echon, doué de parole et d’entendement.

 

Il fau­dra longtemps pour que se dégage la pre­mière idée mod­erne : celle de l’individu, mais alors encore chargée du préjugé que cette logic­ité et cette rai­son qui font l’homme est indi­vidué par le corps.

La troisième étape fut de recon­naître tout le sens de l’individua per­sona, d’un être indi­vis et indi­vis­i­ble ; d’un être qu’il ne faut pas divis­er et qui doit pré­cisé­ment vivre par lui-même une dual­ité de per­son­nal­ité et de ratio­nal­ité qu’aucun arti­fice ne saurait ni nier ni imiter.

 

III. Vie et singularité

 

La vie ne se laisse pas enfer­mer dans le cou­ple matière/forme qui vaut autant pour le vivant que pour la machine, et dont l’usage peut con­duire à de graves erreurs. La vie n’est ni un sub­strat matériel ni une forme abstractible ; elle n’est pas sim­ple­ment un ensem­ble de faits biologiques qui sol­licite pri­maire­ment un tra­vail d’abstraction, ni le côté dynamique des algo­rithmes à quoi tout est cen­sé se réduire.

Dès lors donc qu’un arti­fice se présente exclu­sive­ment comme un sub­strat matériel mis en forme, voire qu’il s’immatérialise en énergie pour accéder à une for­mal­ité pure­ment opéra­toire, on en a exclu la vie pro­fonde qui jus­ti­fie de l’assimiler à du vivant, et encore moins à de l’humain. Car c’est sur fond de vie qu’il faut par­ler d’un « indi­vis » unique, réel sous la dou­ble espèce du corps et de l’esprit, mais et dont on con­naît tou­jours mieux l’organe où se com­pénètrent le corps et l’esprit, à savoir le cerveau humain.

On doit pour­tant souscrire à ce qu’affirment deux spé­cial­istes de la robo­t­ique et de l’intelligence arti­fi­cielle : « La biolo­gie n’a actuelle­ment rien à dire sur l’individuation ou la sin­gu­lar­ité du cerveau qui sou­tient nos dif­férences indi­vidu­elles. Les neu­ro­sciences n’ont pas d’outil théorique et surtout expéri­men­taux pour cap­tur­er, iden­ti­fi­er ces dif­férences biologiques et fonc­tion­nelles dans des cerveaux qui sem­blent (…) obéir à un patron d’organisation uni­voque. Le para­doxe est là : au sein d’une espèce comme la nôtre, le déter­min­isme biologique doit per­me­t­tre la repro­duc­tion pré­cise, entre les généra­tions, d’une organ­i­sa­tion très homogène, telle que le cerveau. Car nous accom­plis­sons tous de manière homo­logue des gestes répéti­tifs et nous éprou­vons et qua­si iden­tiques et éprou­vons des sen­ti­ments ou avons des pen­sées qui peu­vent se ressem­bler. Mais à l’intérieur de cette enveloppe com­mune, nous sommes tous sin­guliers et uniques, surtout sur le par­cours d’une vie entière. »[2]

 

Or, cette sin­gu­lar­ité et cette unic­ité appel­lent à se deman­der : Ont-elles un principe qui le rende inimitable ?

 

IV. L’esprit

 

Con­tre toute une tra­di­tion qui fait de la matière le principe d’individuation, j’admets que c’est l’esprit qui est le plus fon­da­men­tal principe d’individuation. L’ange, esprit pur, est aus­si à chaque fois unique en son essence, dit la sco­las­tique. Cette unic­ité de l’esprit se com­mu­nique au vivant, d’autant plus sin­guli­er qu’il est spir­ituel. Le spir­ituel n’est pas uni­versel, comme le pen­sait Hegel. On ne par­lera de l’universel qu’en ter­mes de con­cret ou d’abstrait. L’univers est d’abord l’universel con­cret de la nature matérielle, forme de la vie ; l’universel abstrait et ce que l’intelligence dégage du con­cret comme cor­re­spon­dant à des lois de con­fig­u­ra­tion que Kant a eu rai­son d’attribuer à la rai­son appelée pure.

Entre intel­li­gence et rai­son, il y a la dif­férence d’une ordi­na­tion au cos­mos et la capac­ité de sché­ma­tis­er le réel au point de le ren­dre cal­cu­la­ble. Or seule cette fac­ulté rationnelle est imitable, et cela unique­ment dans les lim­ites du traite­ment com­bi­na­toire de don­nées, mais pas comme l’intelligence logi­ci­enne ou intu­itive qui la sous-tend.

Est enfin uni­versel ce qui est com­mun à tous, mais sans que cette com­mu­nauté englobante ne démente la con­cré­tude matérielle des choses, ni la for­mal­ité de l’intelligible, ni la sin­gu­lar­ité de chacun.

Or ce statut de sin­gu­lar­ité est inim­itable par un arti­fice. Celui-ci n’est pas un héri­ti­er de l’intelligence humaine, au sens où il serait « de même nature » que son auteur. Il n’y a pas d’homogénéité pos­si­ble entre l’intelligence indi­vidu­elle et l’intelligence arti­fi­cielle, entre l’homme et le robot. Une rela­tion à un robot serait moins riche de sens que l’affection per­son­nelle d’une fil­lette pour sa poupée. La poupée pré­pare à l’enfant. Être adulte, c’est rem­plac­er la poupée par l’enfant. Ne sont imita­bles que cer­taines fonc­tions rem­plies par l’intelligence ou qu’accom¬pagne l’intelligence. En retour, on peut dire : Il faut avoir pro­jeté sur le vivant la fonc­tion­nal­ité du mécan­isme pour réduire ce vivant à ce qui est un « ensem­ble » de mieux en mieux à même de repro­duire l’ensemble de ses fonc­tions, donc d’imiter une manière d’autonomie. Cette réduc­tion est aujourd’hui soutenue par l’idée que la pro­créa­tion assistée par la sci­ence fait de la sci­ence la grande généra­trice — et non plus la vie.

 

V. Nature et fonctions

 

Peut-être faut-il réap­pren­dre à dis­tinguer entre la nature d’une chose et l’ensemble de ses fonc­tions. Les fonc­tions s’observent dans leurs régu­lar­ités et s’expliquent par des enchaîne­ments de causal­ité. Or, la nature relève de quelque chose qu’on pour­rait appel­er une méta­physique néga­tive. La nature d’une chose se déclare lorsqu’on sait ce qu’elle n’est pas. La con­naître, c’est l’expliquer. C’est à cette lim­ite que se sépar­ent la nature et la fonc­tion. La sci­ence a dû se défaire de l’idée de nature, qui n’est pas de son ressort. Mais son impéri­al­isme l’a con­duite à se con­sid­ér­er comme seul agent légitime de la vérité, ce qui l’a dan­gereuse­ment dis­tancée de la sagesse.

La sagesse est l’intelligence de l’esprit, la sci­ence est l’intelligence de la rai­son, dont la qual­ité pre­mière est effec­tive­ment la cri­tique. Si j’évoque ici la sagesse, c’est unique­ment pour sig­naler qu’il n’a pas qu’une seule forme de l’intelligence, mais que cette diver­sité est celle de l’intelligence humaine qui ne saurait inclure l’intelligence arti­fi­cielle. Cette nou­velle modal­ité de la pré­ten­due « intel­li­gence n’a pas droit au titre d’intelligence ». Les « capac­ités » de NA ne sont pas de l’ordre de l’intelligence. Et com­par­erait-on les capac­ités d’un robot et celles d’un enfant, cela ne jus­ti­fierait pas d’en déduire l’intelligence du robot. Peut-être fau­dra-t-il atten­dre qu’un robot devi­enne « fou » pour le com­par­er à une folie humaine.

« L’intelligence arti­fi­cielle n’est pas de l’intelligence. Aujourd’hui per­son­ne ne sait encore com­ment repro­duire une intel­li­gence humaine ; ce n’est pas en agrégeant des pro­grammes spé­cial­isés dans les jeux ou le classe­ment d’images que nous y parvien­drons. L’intelligence arti­fi­cielle n’est ni plus ni moins qu’une capac­ité d’analyse et de traite­ment extrême­ment rapi­de de grandes mass­es de don­nées dans des délais très courts Une capac­ité dépen­dante d’un con­tenu dis­pen­sé de près ou de loin par l’homme. »[3]

 

VI. Intelligence et raison

 

C’est ici qu’il con­vient de réfléchir sur ce qui dis­tingue l’intelligence de la rai­son. Il ne suf­fit pas de dis­tinguer enten­de­ment et rai­son, Ver­stand et Ver­nun­ft, mais de voir si l’entendement com­prend un moment qui dépasse la per­cep­tion et la récep­tion qui situent le sujet dans une posi­tion de pas­siv­ité ; s’il y a un moment d’activité, de péné­tra­tion, que l’allemand traduit par ein — (Ein­sicht, Einge­bung) et que le latin con­serve dans l’in notam­ment de l’intelligence et de l’intuition. La phénoménolo­gie est en ce sens une revanche de l’intelligence sur la raison.

La rai­son est essen­tielle­ment un traite­ment du perçu, une organ­i­sa­tion du don­né, qui val­orise con­sid­érable­ment la règle d’organisation, la lég­is­la­tion du dis­cours, la police de l’esprit, comme dis­ait Alain. En latin ratio dit effec­tive­ment la ration, ce qui revient à cha­cun, ce qui est pro­por­tion­né à son besoin, mais c’est la pro­por­tion qui a pris le dessus, car cela relève de la mesure et est facile­ment la proie des nombres.

L’intelligence est vivante, la rai­son est abstraite, indif­férente à la vie et à la mort, Ce pourquoi elle peut être arti­fi­cial­isée. « Intel­li­gence arti­fi­cielle » est une con­tra­dic­tion dans les ter­mes. Par­lons, s’il le faut, de rai­son arti­fi­cielle, à com­mencer par l’invention toute pra­tique de Pas­cal, qui fut effec­tive­ment un arti­fice en vue d’opérations pure­ment rationnelles. Mais ne con­fon­dons pas l’intelligence de l’inventeur, aujourd’hui le génie des ingénieurs et ce que repro­duisent les robots.

Or, c’est bien là que se cache la dif­fi­culté : les robots ne sont pas capa­bles que d’opérations rationnelles, mais ils peu­vent effec­tive­ment recevoir quelque chose que l’homme, lui aus­si, peut recevoir lorsqu’il entend. Le robot sem­ble donc rejoin­dre l’entendement dans sa pas­siv­ité récep­trice et dans les traces neu­ronales que lais­sent ces récep­tions, ce qui est loin de l’intelligence dona­trice. Je ne pense pas qu’un arti­fice puisse un jour avoir une Einge­bung, une intu­ition dona­trice de sens.

Tra­vailler sur l’idée de rai­son c’est aus­si s’intéresser à ce qui en fait la néces­saire valeur. En effet l’intuition est men­acée d’un com­pagnon­nage à la fois noble et dan­gereux : celui de l’imagination, dont Pas­cal dit avec une admirable pré­ci­sion que lui manque le sens du vrai et du faux. Est-ce à dire que l’intuition a besoin d’un autre com­pagnon­nage : celui de la rai­son cri­tique, donc de la rai­son qui ne fait pas que tiss­er des abstrac­tions, mais qui dis­cerne, sépare, juge et qui en ce sens sou­tient l’intelligence au-delà du pur acte d’intuition qui la car­ac­térise superbe­ment. La rai­son, juge du vrai et du faux ?

C’est en ce sens que nous dis­ons de quelqu’un qu’il avait ou a rai­son. Cela ne sig­ni­fie pas qu’il est doué d’entendement, mais qu’il voit, qu’il juge juste. La rai­son est alors bien ce rem­part néces­saire con­tre les envahisse­ments pos­si­bles d’une imag­i­na­tion sans règles.

Il faut rai­son garder sig­ni­fie alors : il faut garder une dis­tance cri­tique jusque dans les avancées les plus auda­cieuses de l’intuition, ce qui est un pré­cepte « pra­tique » relatif à la vie de l’esprit. Sapere aude. Ais le courage de penser. Mais qu’est-ce que le courage sans la prudence ?

 

VII. Intelligence artificielle et humaine

 

Ces mul­ti­ples dis­tinc­tions sont essen­tielles dès que des illu­sions sont entretenues par des con­tre-vérités. La pré­ten­due intel­li­gence arti­fi­cielle ne pour­ra jamais rejoin­dre et encore moins dépass­er l’intelligence humaine ; au plus va-t-on rabaiss­er l’homme à ce que peut la machine.

Ce qui néan­moins est vrai, c’est que les robots et les engins capa­bles de prodi­ges tech­niques incon­nus jusqu’ici vont con­sid­érable­ment chang­er non pas l’homme, mais les con­di­tions dans lesquelles l’homme va évoluer. Mais ce n’est pas l’homme selon sa nature, mais l’homme selon sa con­di­tion qui va évoluer. Mais com­ment évo­quer la nature en dehors de la condition ?

 

Le con­cept grec de phsisque les latins ont traduit par natu­ra, retient l’idée de l’émergence, de la nais­sance et par là d’une orig­ine, mais d’une orig­ine qui dif­féren­cie. Avoir une nature, c’est être dif­férent de.… On s’y iden­ti­fie par une nature com­mune. Le glisse­ment vers l’essence est alors inévitable, et vers une néces­sité d’être ceci et pas cela. Je ne crains de dire que tous ces glisse­ments méta­physiques ont con­tribué à sépar­er la nature de sa force d’émergence, des dynamiques et de sa plas­tic­ité, qui par ailleurs ne saurait être coupée de sa durée et de sa con­sis­tance con­stante. Mais si l’on déplace la con­stance et l’invariance du côté de la nature essen­tielle on fixe néces­saire­ment les vari­a­tions du côté des con­di­tions, et des con­di­tions d’existence”, en oubliant que non seule­ment la nature ne se réduit pas à l’invariance essen­tielle et que la con­di­tion ne se réduit au cir­con­stan­cie, mais con­duit à sa façon vers l’idée d’établissement et de con­struc­tion. L’homme est selon sa nature ni un végé­tal ni une machine, mais établi dans le monde, il vit dans des con­di­tionsvari­ables et peut large­ment mod­i­fi­er ses con­di­tions d’existence[4]. Un reste de réal­isme fera dire aux plus hon­nêtes que ce sera en bien et en mal, que des règles de pru­dence seront à respecter, que des lég­is­la­tions seront néces­saires qui, elles, ne seront pas du ressort de la Science.

 

VIII. Vérité et réalité

 

Ces con­sid­éra­tions ne vont évidem­ment pas con­va­in­cre le sci­en­tifique qui a fait de la Sci­ence une doc­trine, c’est-à-dire qui admet, en tant sci­en­tifique, qu’il n’y a de vérité et finale­ment de réal­ité qu’établies par la Sci­ence. Là est un saut ontologique majeur : non plus seule­ment la vérité, mais la réal­ité. Un saut et un ren­verse­ment com­plet de la rela­tion au monde, car il ne s’agit plus de tir­er de la réal­ité du monde ce qui est pro­pre­ment intel­li­gi­ble, mais de créer sci­en­tifique­ment une autre réal­ité pour trans­former le monde. La réal­ité ne s’appelle plus réal­ité, mais fac­tu­al­ité, La resest rem­placée par les data, les don­nées à traiter selon des exi­gences sci­en­tifiques qui valent par elles-mêmes, c’est-à-dire sont décon­nec­tées de l’intelligence qui les produites.

On com­prend alors que cette sci­ence décon­nec­tée de l’intelligence, totale­ment auto­suff­isante dans son aséité, l’est aus­si de toute sagesse. De cette sagesse, qui, au moins, dans l’intelligence humaine, est une manière de « bonne police de l’esprit », d’agent qui dénonce ce que Jaspers appelle la Unver­nun­ftder Ver­nun­ft, la dérai­son de la rai­son. Mais ici il ne suf­fit plus d’une vig­i­lance cri­tique sur l’usage de la rai­son, mais de la sauve­g­arde de l’intelligence dont la rai­son n’est que la part la plus apte à entr­er en juge­ment avec elle-même. La cri­tique est alors le moment où la sagesse spir­ituelle se man­i­feste comme sagesse intel­lectuelle.[5]

 

Qu’est-ce qu’un artifice ?

 

Il ne suf­fit pas de répon­dre que c’est quelque chose de fab­riqué, qui donc ne pousse pas dans la nature. Mais on peut d’emblée dire que l’artifice se dis­tingue de l’œuvre d’art qui, elle, est insé­para­ble de la vie et de la per­son­ne d’un homme ou d’une femme doués d’un savoir-faire spé­ci­fique, et dire qu’elle le ou la « présente » avant de représen­ter quelque chose. Cette « femme » est un Renoir avant d’être un per­son­nage féminin ; ce « cheval » un Marc avant d’être un ani­mal à monter.

L’art dit abstrait veut que tel ensem­ble de fig­ures géométriques soit un Mon­dri­an, mais que ce géométrisme par­ticipe de l’abstraction qui, elle, est une opéra­tion extrême­ment sig­ni­fica­tive de la rai­son. D’une rai­son qui n’est plus le logos grec, ni la ratio sco­las­tique, ni l’entendement de Leibniz.

C’est l’abstraction que fait du nom­bre un chiffre, qui réduit un mot à un signe, qui finale­ment fait sur­gir un univers séparé dont la math­é­ma­tique est le pre­mier ges­tion­naire. La déréal­i­sa­tion de l’abstrait débu­ta sa car­rière avec l’admission du zéro, du 0, comme indi­ca­teur d’une opéra­tion intel­lectuelle, à savoir une mul­ti­pli­ca­tion par un nom­bre sélec­tion­né arbi­traire­ment : 1/0, lui-même mul­ti­pli­able indéfin­i­ment par lui-même.

Or, arrive le moment où cette mul­ti­pli­ca­tion, qui est encore trib­u­taire du mul­ti­ple, du peu ou beau­coup, est à son tour abstraite dans l’équivalent non méta­physique, pure­ment factuel, du : quelque chose et rien — en chiffres : 1/0. Mais c’est au moment où l’énergie de détente physique, pensez à un mus­cle ou un ressort, est rem­placée par celle de la pul­sion élec­trique que le « passe/ne passe pas » prend une valeur uni­verselle pré­cisé­ment exprimée par le 1/0.

Ce que nous appelons « arti­fi­ciel » est la com­bi­nai­son de deux abstrac-tions : celle des opéra­tions avec des nom­bres com­bin­ables et con­trin­ables à l’infini parce qu’ils ne sig­ni­fient plus qu’eux-mêmes, et celle de de la pul­sion réductible à « oui ou non ».

Mais l’artifice ne prend vis­age de réal­ité qu’au moment où, mal­gré tout, l’énergie élec­tron­ique est appliquée à des matéri­aux sus­cep­ti­bles d’être assem­blés dans des repro­duc­tions qui ne sont elles-mêmes qu’à l’image des œuvres d’art. Il existe de mag­nifiques robots.

 

Lorsque l’artifice pré­tend imiter ou repro­duire la nature ou l’œuvre d’art, il oublie com­plète­ment que l’œuvre d’art n’est juste­ment pas une imi­ta­tion, mais l’expression d’une âme, imag­i­na­tive et sen­si­ble en con­tact de la réal­ité ; d’une âme que n’a pas la machine et qu’aucun robot n’aura jamais.

L’exosquelette n’est pas une autre jambe. C’est un arti­fice qui mobilise un mem­bre réel qui a per­du sa mobil­ité naturelle. On est dans l’ordre du comme si. Tout arti­fice est de l’ordre du « comme si ». Comme pour l’imitation ; si pour le pos­si­ble porté tou­jours plus loin…

 

S’il y a lieu d’admirer le savoir-faire des tech­ni­ciens, il faut rai­son garder devant le monde qu’imaginent des savants que saoulent une sci­ence tri­om­phante, fer­mée sur elle-même et qu’a quit­té toute sagesse cri­tique ; qui se sous­trait à ce regard de l’intelligence sur la rai­son qu’est et reste la philosophie.

 

IX. Regards sur un auteur controversé : Yuval Noah Harari

 

Spec­ta­teur scep­tique de la société et de la sci­ence améri­caines, Y. N. Harari s’est fait con­naître par deux gros ouvrages : Sapi­ens et Homo deus. L’un et l’autre par­lent de l’homme et de l’humanisme, pour finale­ment déplor­er que l’homme ait trahi la nature et quit­té l’ordre naturel pour impos­er sa loi à la Nature. Et s’il accom­pa­gne de réflex­ions savantes l’évolution des sci­ences de la vie, c’est à la foi pour saluer une vic­toire sur l’humanisme et pour red­outer que, encore, cet anti-human­isme ne développe de nou­velles formes de destruc­tions de la nature. Il faut donc lire avec beau­coup d’attention, et par­fois de bien­veil­lance un peu for­cée, des argu­ments qui risquent de per­dre leur per­ti­nence sous ‑l’abondance de quelque 900 pages d’une écri­t­ure généreuse.

Après avoir dis­tin­gué trois formes d’humanisme, curieuse­ment con­for­mées à des idéolo­gies englobantes appelées « reli­gions », l’auteur avance un pro­pos à retenir : « Entre les dogmes (indi­vid­u­al­istes) de l’humanisme libéral et les toutes dernières décou­vertes des sci­ences de la vie, s’ouvre un gouf­fre que nous ne pou­vons plus nous per­me­t­tre d’ignorer. Nos sys­tèmes poli­tiques et judi­ci­aires libéraux reposent sur l’idée que chaque indi­vidu pos­sède une nature intérieure sacrée, indi­vis­i­ble et immuable, qui donne du sens au monde et qui est la source de toute autorité éthique et poli­tique. C’est là réin­car­na­tion [la refor­mu­la­tion ! (Ph.S.)] de la croy­ance chré­ti­enne tra­di­tion­nelle en une âme libre et éter­nelle qui réside en chaque indi­vidu. Depuis plus deux cents ans pour­tant, les sci­ences de la vie ont pro­fondé­ment miné cette croy­ance. Les hommes de sci­ence étu­di­ant les rouages intérieurs de l’organisme humain n’ont pas trou­vé l’âme. Ils sont de plus en plus enclins à soutenir que le com­porte­ment humain est déter­miné par les hor­mones, les gênes et les synaps­es, plutôt que par le libre arbi­tre — par les mêmes forces qui déter­mi­nent le com­porte­ment des chim­panzés, des loups et des fourmis. »

A la fin du vol­ume suiv­ant, Homo deus, les choses se pré­cisent. Il est en train de se créer une nou­velle reli­gion, tout aus­si trompeuse et alié­nante que toutes les autres : le dataïsme. Elle est issue de ce qui s’impose au sci­en­tifique comme un fait fon­da­men­tal. Tout est un datum, une don­née. Non pas un don­né, le fait d’un don comme le veut Jean-Luc Mar­i­on, mais une don­néede fait dénuée de toute réal­ité pro­pre, sans en-soi, pur objet de traite­ment sci­en­tifique où l’ordinateur rem­place l’homme trop impar­fait pour traiter une infor­ma­tion finale­ment illimitée.

Dans cette « reli­gion » l’Esprit est rem­placé par l’algorithme. « L’algorithme de départ peut être ini­tiale­ment élaboré par des êtres humains, mais en se dévelop­pant il suit sa pro­pre voie et va où aucun homme n’est encore allé.., et où aucun homme ne peut le suiv­re. » (HD 423). L’esprit souf­fle où il veut.

Et puis, comme toute reli­gion, le dataïsme est naturelle­ment dom­i­na­teur et mys­tifi­ca­teur, et par là même fon­da­men­tale­ment contestable :

« Il est dou­teux que la vie soit réelle­ment réductible aux flux de don­nées » (ibid). « … peut-être décou­vrirons-nous que, tout compte fait, les organ­ismes ne sont pas des algorithmes. »

Ce qui, telle une arche de Noé, émerge du déluge dataïste sont des doutes relat­ifs à la vie et aux organ­ismes vivants ; puis, curieuse­ment, aux déci­sions, notam­ment économiques et poli­tiques. Celles-ci sont-elles irré­ductibles, en tant que faits volon­taires, à des cal­culs déci­sion­naires en oui/non ? Ou s’agit-il de sauve­g­arder dans les organ­ismes soci­aux quelque chose qui échappe à la néces­sité algorithmique ?

Le dataïsme com­prend de mieux en mieux les proces­sus de déci­sion, mais il se pour­rait bien qu’il adopte une vision de la vie de plus en plus biaisée (ibid). « Peut-être y at-il dans l’univers quelque chose qui ne saurait être réduit aux datas. »

Ce sont des hypothès­es (scep­tiques ?) de ce type qui sig­na­lent que Y. N Harari, à la fois dénonce toute reli­gion — et surtout le chris­tian­isme et le com­mu­nisme — pour avoir gag­né un pou­voir con­sid­érable « mal­gré leur inexac¬titude factuelle », et cherche à sauve­g­arder quelque chose. Mais ce quelque chose n’est pas l’homme sous sa modal­ité de homo sapi­ens. Ce qu’il s’agit de sauver est une rela­tion hum­ble de l’homme, dégradé de sa sapi­ence, à une grande incon­nue qui nous impose de nous préoc­cu­per de l’immédiat, de nous con­cen­tr­er sur la con­science de notre frag­ile petitesse et de regret­ter le mal fait aux créa­tures « inférieures ».

Mais faut-il sim­ple­ment admet­tre que l’intelligence humaine est si totale­ment rem­plaçable par l’intelligence arti­fi­cielle que nous nous reste que ce peu de fierté défensive ?

N’y a t‑il pas lieu de s’interroger : Si toutes les « reli­gions » monothéistes ou mono­lithiques sont écras­antes par leur puis­sance à impos­er de trompeuses con­vic­tions, n’est-ce pas le chris­tian­isme qui, en prêchant un Dieu unique, mais trini­taire et incar­né donne à l’homme l’humble fierté d’avoir été rejoint et anoblie par un Dieu Père — et pas seule­ment Maître et Tyran rem­plaçable d’âge en âge ? A un homme, on l’a dit, de nature don­née et de con­di­tion vari­able, y com­pris la ren­con­tre et l’accès à des capac­ités sur­prenantes, mais por­teuses d’espoirs, et de dan­gers évi­dents, induits par des développe­ments d’une ampleur encore insoup¬çonnée. Un homme à qui le bien et mal ne seront jamais étrangers.

 

Con­clu­ons avec le pro­fesseur Harari qui demande : « Qu’adviendra-t-il de la société, de la poli­tique et de la vie quo­ti­di­enne quand des algo­rithmes non con­scients, mais haute­ment intel­li­gents nous con­naîtront mieux que nous — ? » (11D, 427) Quand se sera éteint le dernier astre, la dernière trace de l’esprit…

 

 

Philib­ert Secretan

 

Genève, le 22 août 2018

 

[1]« A. Pérez de Labor­da, Una mira­da al ser. Ed. Encuen­tros, Madrid 2013. p, 491–503

 

[2]Daniel Tritsch et Jean Mar­i­ani, Ça va la tête ? Belin, Paris 2018, p.138–139.

 

[3]Tomas­so Pog­gio et Frédéric de Combert, in « L’homme con­tin­ue d’avoir le dernier mot », Le Monde (Hors série) mars-mai 2018, Dans la tête des robots, p.33.

 

[4]Dans l’unité sin­gulière de la per­son­ne, c’est l’esprit qui lie l’essence et l’existence selon des modal­ités qu’il n’y a pas lieu de fix­er ici.

 

[5]L’erreur d’Auguste Comte fut de ne voir dans la cri­tique que le côté néga­teur, qu’il dût rem­plac­er par la pos­i­tiv­ité de la sci­ence, mais alors totale­ment tournée vers l’Être sous tous ses aspects : religieux, social, scientifique.

 

REFLECTIONS ON ARTIFICIAL INTELLIGENCE

NATURE AND ARTIFICE

By Pro­fes­sor Philib­ert Secretan

 

 

 

 

Intro­duc­tion

Replies to transhumanism

Over­tak­ing the man

The liv­ing

Life and singularity

Mind & Spirit

Nature and functions

Intel­li­gence and Reason

Arti­fi­cial and human intelligence

Truth and Reality

What is a device?

Per­spec­tives on a con­tro­ver­sial author: Yuval Noah Harari

 

INTRODUCTION

 

I will start by mak­ing some remarks of my own from a Span­ish friend:

“Today we will no longer say that there is no God, but that it is a con­struc­tion of our brain, of our neur­al net­work; that more­over, we know what is the region of the brain where this inven­tion is devel­oped, because we can detect it in the stages of mys­ti­cal exal­ta­tion. And that only neu­ro­science knows, if not today it will be tomorrow.

“The rea­son has the thick­ness of the flesh. For noth­ing that we are is exter­nal to our flesh being, our hum­ble and wet flesh, includ­ing of course, the neur­al net­work and chem­i­cal and elec­tri­cal synaps­es. Noth­ing in us, nei­ther what we think and say, nor what we do, is dis­con­nect­ed from the moods of our body. Only the sci­ence of log­ic would be a dry sci­ence, because it is con­struct­ed by abstract­ing all that is only a link of pro­pos­als; obvi­ous­ly essen­tial links in the con­struc­tion of the sphere of computers.

In sum­ma­ry, we can say that the rea­son is not lin­ear, pure­ly ana­lyt­i­cal and log­i­cal, but that it has the thick­ness of a net­work of com­pos­si­bil­i­ties in search of a coher­ence to reach the truth, and there­fore the good, why what is def­i­nite­ly ours is the real­i­ty that is giv­en to us. Net­work of com­pos­si­bil­i­ties, that is, the ratio­nal con­junc­tion of lines of thought, action and life of our flesh, which con­verge in real­i­ties and con­verge towards a foun­da­tion­al real­i­ty. The step to make between the being — sien­do- and the being — ser- is a meta­phys­i­cal effort of the philoso­pher… Rea­son is not lim­it­ed to[being] knowl­edge; it has an essen­tial open­ness to the will, that is, to the desire[to be][1].

 

 

REPLICAS TO TRANSHUMANISM

 

Sev­er­al key themes will find them­selves asso­ci­at­ed in a set of reflec­tions gen­er­at­ed by what should be called tran­shu­man­ism, i.e. the prospect of a cou­pling between man and devices that would allow the pas­sage of man to a way of super­man. A clear-sight­ed recog­ni­tion, even a sum­ma­ry one, of neu­ro­sciences, robot­ics and arti­fi­cial intel­li­gence should suf­fice for the crit­i­cal ink­ing of a meta­phys­i­cal reflection.

 

OVERTAKING MAN

 

To go beyond man can mean two things: to make man evolve in his present con­di­tion towards a bet­ter con­di­tion: to make man live longer with few­er evils, or to change the sta­tus of man in the whole of the liv­ing; of man tra­di­tion­al­ly placed between the angel and the beast (Pas­cal), whose body he shares on the one hand and the spir­it on the oth­er hand, but by assum­ing the body in the sphere of the spir­it and by inscrib­ing the spir­it in the phys­i­cal real­i­ty of the body.

Pas­cal has the wis­dom to write that man is nei­ther one nor the oth­er, but does not express­ly say that he is a liv­ing, nor that life man­i­fests itself as much in the body as in the spir­it. But when he affirms: “Descartes false and use­less”, I see this false­ness not in the cog­i­to, effec­tive­ly car­ry­ing a first truth, but in the sep­a­ra­tion of man into two “natures”: the phys­i­cal body and the think­ing mind, into two het­ero­ge­neous regions of being; lat­er into two types of sci­ences. A gen­er­al­ized dual­ism then spreads, not with­out con­tin­u­ous­ly seek­ing the points of junc­tion, the inter­faces, between the two hemi­spheres; or not with­out try­ing to reduce them one to the oth­er in an ide­al­ism or a mate­ri­al­ism each time total and unifying.

 

 THE LIVING

 

Does life hide itself under the term of the soul, under the fig­ures of the ani­ma­tion of the body, of the liv­ing sen­si­tiv­i­ty, of the intel­li­gence which gives after hav­ing received, of the spir­it which cre­ates, revolts or sub­mits itself. I think it and believe it. Now, this pro­found life, when denied, leaves a body in the state of a machine, a sen­si­tiv­i­ty to the state of respons­es to stim­uli, intel­li­gence in the state of an algo­rith­mic for­mal­ism, the mind in the state of a vir­tu­al self.

But the life thus man­i­fest­ed is irre­ducible to one or the oth­er of its man­i­fes­ta­tions. It is nei­ther pure­ly bio­log­i­cal nor essen­tial­ly psy­chic. It is con­crete­ly and by def­i­n­i­tion in every liv­ing. In this sense, it is both uni­ver­sal and con­cretized in all liv­ing things. Aris­to­tle calls man a zoon, a liv­ing ani­mate, logon echon, endowed with speech and understanding.

It will take a long time for the first mod­ern idea to emerge: that of the indi­vid­ual, but then still charged with the prej­u­dice that this log­ic and this rea­son which make man is indi­vid­u­al­ized by the body.

The third step was to rec­og­nize the whole mean­ing of the indi­vid­ua per­sona, of an indi­vis­i­ble and indi­vis­i­ble being  of a being that must not be divid­ed and that must pre­cise­ly live by itself a dual­i­ty of per­son­al­i­ty and ratio­nal­i­ty that no arti­fice can deny or imitate.

 

LIFE AND SINGULARITY

 

Life does not allow itself to be locked into the material/form cou­ple that is as valid for the liv­ing as for the machine, and whose use can lead to seri­ous errors. Life is nei­ther a mate­r­i­al sub­strate nor an abstractible form  it is not sim­ply a set of bio­log­i­cal facts that pri­mar­i­ly solic­its a work of abstrac­tion, nor the dynam­ic side of algo­rithms to which every­thing is sup­posed to be reduced.

 

As soon as a device is pre­sent­ed exclu­sive­ly as a mate­r­i­al sub­strate shaped, or even imma­te­ri­al­izes itself into ener­gy to access a pure­ly oper­a­tional for­mal­i­ty, we have exclud­ed the pro­found life that jus­ti­fies assim­i­lat­ing it to the liv­ing, and even less to the human. For it is against the back­drop of life that we must speak of a sin­gle “undi­vid­ed whole”, real under the dou­ble species of body and mind, but whose organ in which the body and mind inter­pen­e­trate, name­ly the human brain, is always bet­ter known.

 

Yet we must agree with what two spe­cial­ists in robot­ics and arti­fi­cial intel­li­gence say: “Biol­o­gy cur­rent­ly has noth­ing to say about the indi­vid­u­a­tion or sin­gu­lar­i­ty of the brain that sup­ports our indi­vid­ual dif­fer­ences. Neu­ro­science has no the­o­ret­i­cal and espe­cial­ly exper­i­men­tal tool to cap­ture and iden­ti­fy these bio­log­i­cal and func­tion­al dif­fer­ences in brains that seem (…) to obey an uni­vo­cal orga­ni­za­tion­al pat­tern. The para­dox is there: with­in a species like ours, bio­log­i­cal deter­min­ism must allow the pre­cise repro­duc­tion, between gen­er­a­tions, of a very homo­ge­neous orga­ni­za­tion, such as the brain. For we all per­form repet­i­tive ges­tures in a homol­o­gous man­ner, and we all feel and almost feel the same and have feel­ings or thoughts that may be sim­i­lar. But with­in this com­mon enve­lope, we are all sin­gu­lar and unique, espe­cial­ly on the jour­ney of a life­time. “»[2]

 

How­ev­er, this sin­gu­lar­i­ty and unique­ness call us to ask our­selves: Do they have a prin­ci­ple that makes it inimitable?

 

MIND & SPIRIT

 

 

Against a whole tra­di­tion which makes mat­ter the prin­ci­ple of indi­vid­u­a­tion, I admit that it is the spir­it which is the most fun­da­men­tal prin­ci­ple of indi­vid­u­a­tion. The angel, pure spir­it, is also each time unique in its essence, says the scholas­tic. This unique­ness of the spir­it is com­mu­ni­cat­ed to the liv­ing, all the more sin­gu­lar because it is spir­i­tu­al. The spir­i­tu­al is not uni­ver­sal, as Hegel thought. We will only speak of the uni­ver­sal in con­crete or abstract terms. The uni­verse is first of all the con­crete uni­ver­sal of the mate­r­i­al nature, form of life; the abstract uni­ver­sal and what the intel­li­gence emanates from the con­crete as cor­re­spond­ing to laws of con­fig­u­ra­tion that Kant was right to attribute to rea­son called pure.

 

Between intel­li­gence and rea­son, there is the dif­fer­ence of an ordi­na­tion to the cos­mos and the capac­i­ty to schema­tize the real to the point of mak­ing it cal­cu­la­ble. Only this ratio­nal fac­ul­ty is imitable, and this only with­in the lim­its of com­bi­na­to­r­i­al data pro­cess­ing, but not as the log­ic or intu­itive intel­li­gence that under­lies it.

 

Final­ly, what is com­mon to all is uni­ver­sal, but with­out this encom­pass­ing com­mu­ni­ty dis­man­tling the mate­r­i­al con­crete­ness of things, nei­ther the for­mal­i­ty of the intel­li­gi­ble, nor the sin­gu­lar­i­ty of each one.

 

But this sta­tus of sin­gu­lar­i­ty is inim­itable through arti­fice. He is not an heir of human intel­li­gence, in the sense that he is “of the same nature” as his author. There is no pos­si­ble homo­gene­ity between indi­vid­ual intel­li­gence and arti­fi­cial intel­li­gence, between man and robot. A rela­tion­ship with a robot would be less mean­ing­ful than a lit­tle girl’s per­son­al affec­tion for her doll. The doll pre­pares the child. Being an adult means replac­ing the doll with the child. Only cer­tain func­tions per­formed by intel­li­gence or accom­pa­nied by intel­li­gence are imitable. In return, we can say: We must have pro­ject­ed the func­tion­al­i­ty of the mech­a­nism onto the liv­ing to reduce this liv­ing to what is a “whole” increas­ing­ly capa­ble of repro­duc­ing all of its func­tions, thus imi­tat­ing a way of auton­o­my. This reduc­tion is now sup­port­ed by the idea that sci­ence-assist­ed repro­duc­tion makes sci­ence the great gen­er­a­tor — not life.

 

NATURE AND FUNCTIONS

 

 

Per­haps we need to learn again to dis­tin­guish between the nature of a thing and all its func­tions. The func­tions are observed in their reg­u­lar­i­ties and are explained by causal sequences. How­ev­er, nature is some­thing that could be called a neg­a­tive meta­physics. The nature of a thing declares itself when you know what it is not. To know her is to explain her. It is at this lim­it that nature and func­tion sep­a­rate. Sci­ence has had to get rid of the idea of nature, which is not its respon­si­bil­i­ty. But her impe­ri­al­ism led her to see her­self as the only legit­i­mate agent of truth, which dan­ger­ous­ly dis­tanced her from wisdom.

 

Wis­dom is the intel­li­gence of the mind, sci­ence is the intel­li­gence of rea­son, whose pri­ma­ry qual­i­ty is indeed crit­i­cism. If I men­tion wis­dom here, it is only to point out that it does not have only one form of intel­li­gence, but that this diver­si­ty is that of human intel­li­gence which can­not include arti­fi­cial intel­li­gence. This new modal­i­ty of the so-called “intel­li­gence is not enti­tled to the title of intel­li­gence”. NA’s “abil­i­ties” are not of the order of intel­li­gence. And would one com­pare the abil­i­ties of a robot and those of a child, that would not jus­ti­fy deduc­ing the intel­li­gence of the robot. It may be nec­es­sary to wait until a robot goes “crazy” before com­par­ing it to a human madness.

 

“Arti­fi­cial intel­li­gence is not intel­li­gence. Today nobody knows yet how to repro­duce a human intel­li­gence; it is not by aggre­gat­ing spe­cial­ized pro­grams in the games or the clas­si­fi­ca­tion of images that we will suc­ceed there. Arti­fi­cial intel­li­gence is noth­ing more and noth­ing less than a capac­i­ty for analy­sis and extreme­ly fast pro­cess­ing of large amounts of data in a very short peri­od of time. A capac­i­ty depen­dent on con­tent deliv­ered direct­ly or indi­rect­ly by man. “»[3]

 

 

INTELLIGENCE AND REASON

 

 

It is here that we need to reflect on what dis­tin­guish­es intel­li­gence from rea­son. It is not enough to dis­tin­guish between under­stand­ing and rea­son, Ver­stand and Ver­nun­ft, but to see if under­stand­ing includes a moment that goes beyond per­cep­tion and recep­tion that places the sub­ject in a posi­tion of pas­siv­i­ty; if there is a moment of activ­i­ty, of pen­e­tra­tion, that Ger­man trans­lat­ed as ein — (Ein­sicht, Einge­bung) and that Latin retains in par­tic­u­lar intel­li­gence and intu­ition. In this sense, phe­nom­e­nol­o­gy is a revenge of intel­li­gence over reason.

 

The rea­son is essen­tial­ly a treat­ment of the per­ceived, an orga­ni­za­tion of the giv­en, which great­ly val­ues the rule of orga­ni­za­tion, the leg­is­la­tion of dis­course, the police of the mind, as Alain said. In Latin the ratio actu­al­ly says the ration, which belongs to each one, which is pro­por­tion­ate to his need, but it is the pro­por­tion that has tak­en over, because it is a mea­sure and is eas­i­ly prey to numbers.

 

 

Intel­li­gence is alive, rea­son is abstract, indif­fer­ent to life and death, which is why it can be arti­fi­cial­ized. “Arti­fi­cial intel­li­gence” is a con­tra­dic­tion in terms. Let us talk, if nec­es­sary, of arti­fi­cial rea­son, start­ing with Pas­cal’s prac­ti­cal inven­tion, which was indeed an arti­fice with a view to pure­ly ratio­nal oper­a­tions. But let us not con­fuse the inven­tor’s intel­li­gence, today the genius of engi­neers and what robots reproduce.

 

But that is where the dif­fi­cul­ty lies: robots are not only capa­ble of ratio­nal oper­a­tions, but they can actu­al­ly receive some­thing that man, too, can receive when he hears. The robot thus seems to join the under­stand­ing in its recep­tive pas­siv­i­ty and in the neu­ronal traces that these recep­tions leave, which is far from the donor intel­li­gence. I don’t think that a device can ever have an Einge­bung, an intu­ition that gives meaning.

 

To work on the idea of rea­son is also to be inter­est­ed in what makes it worth­while. Indeed intu­ition is threat­ened by a com­pan­ion­ship both noble and dan­ger­ous: that of imag­i­na­tion, of which Pas­cal says with admirable pre­ci­sion that he lacks the sense of the true and the false. Does this mean that intu­ition needs anoth­er com­pan­ion: that of crit­i­cal rea­son, there­fore of rea­son that does not only weave abstrac­tions, but that dis­cerns, sep­a­rates, judges and in this sense sup­ports intel­li­gence beyond the pure act of intu­ition that superbly char­ac­ter­izes it. The rea­son, judge the true and the false?

 

It is in this sense that we say of some­one that he was or is right. This does not mean that he is gift­ed with under­stand­ing, but that he sees, that he judges just. The rea­son is then this nec­es­sary ram­part against the pos­si­ble inva­sions of an imag­i­na­tion with­out rules.

 

We must keep rea­son then means: we must keep a crit­i­cal dis­tance even in the most auda­cious advances of intu­ition, which is a “prac­ti­cal” pre­cept relat­ing to the life of the mind. Sapere aude. Have the courage to think. But what is courage with­out prudence?

 

 

ARTIFICIAL AND HUMAN INTELLIGENCE

 

These mul­ti­ple dis­tinc­tions are essen­tial as soon as illu­sions are main­tained by untruths. The so-called arti­fi­cial intel­li­gence can nev­er reach and even less sur­pass human intel­li­gence; at most man will be belit­tled to what the machine can.

 

What is nev­er­the­less true is that robots and machines capa­ble of tech­ni­cal won­ders hith­er­to unknown will con­sid­er­ably change not man, but the con­di­tions in which man will evolve. But it is not man accord­ing to his nature, but man accord­ing to his con­di­tion that will evolve. But how to evoke nature out­side the condition?

 

The Greek con­cept of phsisque the Latin trans­lat­ed by natu­ra, retains the idea of emer­gence, birth and thus of an ori­gin, but of an ori­gin that dif­fer­en­ti­ates. To have a nature is to be dif­fer­ent from.… It is iden­ti­fied by a com­mon nature. The slide towards the essence is then inevitable, and towards a neces­si­ty to be this and not that. I am not afraid to say that all these meta­phys­i­cal shifts have con­tributed to sep­a­rat­ing the nature of its force of emer­gence, its dynam­ics and its plas­tic­i­ty, which more­over can­not be cut off from its dura­tion and its con­stant con­sis­ten­cy. But if one moves con­stan­cy and invari­ance on the side of essen­tial nature one nec­es­sar­i­ly fix­es the vari­a­tions on the side of con­di­tions, and con­di­tions of exis­tence”, for­get­ting that not only nature is not reduced to essen­tial invari­ance and that the con­di­tion is not reduced to cir­cum­stan­tial, but leads in its way towards the idea of estab­lish­ment and con­struc­tion. Man is by nature nei­ther a plant nor a machine, but estab­lished in the world, he lives in vari­able con­di­tions and can large­ly mod­i­fy his con­di­tions of existence[4]. A real­ism will make the most hon­est peo­ple say that it will be for good and for evil, that rules of pru­dence will have to be respect­ed, that leg­is­la­tion will be nec­es­sary which, they, will not be the respon­si­bil­i­ty of Science.

 

TRUTH AND REALITY

 

 

These con­sid­er­a­tions will obvi­ous­ly not con­vince the sci­en­tist who has made Sci­ence a doc­trine, that is, who admits, as a sci­en­tist, that there is truth and ulti­mate­ly real­i­ty only estab­lished by Sci­ence. There is a major onto­log­i­cal leap: not only truth, but real­i­ty. A leap and a com­plete rever­sal of the rela­tion­ship to the world, because it is no longer a ques­tion of draw­ing from the real­i­ty of the world what is tru­ly intel­li­gi­ble, but of cre­at­ing sci­en­tif­i­cal­ly anoth­er real­i­ty to trans­form the world. Real­i­ty is no longer called real­i­ty, but fac­tu­al­i­ty, The resest replaced by data, data to be processed accord­ing to sci­en­tif­ic require­ments that are worth by them­selves, i.e. are dis­con­nect­ed from the intel­li­gence that pro­duces them.

 

One then under­stands that this sci­ence dis­con­nect­ed from intel­li­gence, total­ly self-suf­fi­cient in its dry­ness, is also dis­con­nect­ed from all wis­dom. From this wis­dom, which, at least in human intel­li­gence, is a way of “good police of the mind”, an agent who denounces what Jaspers calls the Unver­nun­ft­der Ver­nun­ft, the fol­ly of rea­son. But here it is no longer enough to be crit­i­cal­ly vig­i­lant about the use of rea­son, but to safe­guard intel­li­gence, the rea­son for which is only the part most apt to enter into judg­ment with itself. Crit­i­cism is then the moment when spir­i­tu­al wis­dom man­i­fests itself as intel­lec­tu­al wisdom[5].

 

 

 

WHAT IS A DEVICE?

 

 

It is not enough to say that it is some­thing that is made and there­fore does not grow in nature. But one can imme­di­ate­ly say that arti­fice is dis­tinct from the work of art, which is insep­a­ra­ble from the life and per­son of a man or woman endowed with a spe­cif­ic know-how, and that he or she “presents” it before rep­re­sent­ing some­thing. This “woman” is a Renoir before being a female char­ac­ter; this “horse” a Marc before being an ani­mal to ride.

 

The so-called abstract art wants that such and such a set of geo­met­ri­cal fig­ures is a Mon­dri­an, but that this geometrism par­tic­i­pates in abstrac­tion which, it, is an extreme­ly sig­nif­i­cant oper­a­tion of rea­son. For a rea­son that is no longer the Greek logos, nei­ther the scholas­tic ratio, nor Leib­niz’s understanding.

 

It is the abstrac­tion of num­ber as a num­ber, which reduces a word to a sign, which final­ly makes emerge a sep­a­rate uni­verse of which math­e­mat­ics is the first man­ag­er. The dere­al­iza­tion of the abstract began his career with the admis­sion of the zero, the 0, as an indi­ca­tor of an intel­lec­tu­al oper­a­tion, name­ly a mul­ti­pli­ca­tion by an arbi­trar­i­ly select­ed num­ber: 1/0, itself mul­ti­pli­able indef­i­nite­ly by itself.

 

Now comes the moment when this mul­ti­pli­ca­tion, which is still depen­dent on the mul­ti­ple, the few or many, is in turn abstract in the non-meta­phys­i­cal, pure­ly fac­tu­al equiv­a­lent of the: some­thing and noth­ing — in fig­ures: 1/0. But it is at the moment when the ener­gy of phys­i­cal relax­ation, think of a mus­cle or a spring, is replaced by that of the elec­tri­cal impulse that the “pass / does not pass” takes a uni­ver­sal val­ue pre­cise­ly expressed by the 1/0.

 

What we call “arti­fi­cial” is the com­bi­na­tion of two abstrac­tions: that of oper­a­tions with num­bers that can be com­bined and con­trolled infi­nite­ly because they only mean them­selves, and that of the dri­ve that can be reduced to “yes or no”.

 

But arti­fice only takes on a face of real­i­ty when, despite every­thing, elec­tron­ic ener­gy is applied to mate­ri­als that can be assem­bled into repro­duc­tions that are them­selves only like works of art. There are beau­ti­ful robots out there.

 

When the arti­fice claims to imi­tate or repro­duce nature or the work of art, it com­plete­ly for­gets that the work of art is pre­cise­ly not an imi­ta­tion, but the expres­sion of a soul, imag­i­na­tive and sen­si­tive in con­tact with real­i­ty; of a soul that the machine does not have and that no robot will ever have.

 

The exoskele­ton is not anoth­er leg. It is a device that mobi­lizes a real limb that has lost its nat­ur­al mobil­i­ty. We’re in the order of the as if. All arti­fice is of the “as if” order. As for the imi­ta­tion; if for the pos­si­ble car­ried always further…

 

If it is nec­es­sary to admire the know-how of the tech­ni­cians, it is nec­es­sary to keep in front of the world that sci­en­tists imag­ine that a tri­umphant sci­ence, closed on itself and that has left any crit­i­cal wis­dom  who evades this look of intel­li­gence on the rea­son that is and remains philosophy.

 

PERSPECTIVES ON A CONTROVERSIAL AUTHOR: YUVAL NOAH HARARI

 

 

Scep­ti­cal spec­ta­tor of Amer­i­can soci­ety and sci­ence, Y. N. Harari became known through two major works: Sapi­ens and Homo deus. Both speak of man and human­ism, and final­ly deplore the fact that man has betrayed nature and left the nat­ur­al order to impose his law on Nature. And if it accom­pa­nies with schol­ar­ly reflec­tions the evo­lu­tion of life sci­ences, it is to faith to salute a vic­to­ry over human­ism and to fear that, again, this anti-human­ism will devel­op new forms of destruc­tion of nature. We must there­fore read with great atten­tion, and some­times with a lit­tle forced benev­o­lence, argu­ments that risk los­ing their rel­e­vance under the abun­dance of some 900 pages of gen­er­ous writing.

 

After dis­tin­guish­ing three forms of human­ism, curi­ous­ly con­formed to encom­pass­ing ide­olo­gies called “reli­gions”, the author advances a point to remem­ber: “Between the (indi­vid­u­al­is­tic) dog­mas of lib­er­al human­ism and the very lat­est dis­cov­er­ies in the life sci­ences, a chasm opens up that we can no longer afford to ignore. Our lib­er­al polit­i­cal and judi­cial sys­tems are based on the idea that each indi­vid­ual pos­sess­es an inner nature that is sacred, indi­vis­i­ble and unchang­ing, that gives mean­ing to the world and that is the source of all eth­i­cal and polit­i­cal author­i­ty. This is the reincarnation[Ph.S.] of tra­di­tion­al Chris­t­ian belief in a free and eter­nal soul that resides in every indi­vid­ual. Yet for over two hun­dred years, the life sci­ences have deeply under­mined this belief. Men of sci­ence study­ing the inner work­ings of the human organ­ism have not found the soul. They are increas­ing­ly inclined to argue that human behav­iour is deter­mined by hor­mones, genes and synaps­es, rather than by free will — by the same forces that deter­mine the behav­iour of chim­panzees, wolves and ants. »

 

At the end of the next vol­ume, Homo deus, things become clear­er. He is cre­at­ing a new reli­gion for him­self, just as mis­lead­ing and alien­at­ing as all the oth­ers: dataism. It stems from what is imposed on the sci­en­tist as a fun­da­men­tal fact. Every­thing is a datum, a data. Not a giv­en, the fact of a gift as Jean-Luc Mar­i­on wants it, but a giv­en of fact devoid of any real­i­ty of its own, with­out itself, pure object of sci­en­tif­ic treat­ment where the com­put­er replaces the man too imper­fect to process final­ly unlim­it­ed information.

 

In this “reli­gion” the Spir­it is replaced by the algo­rithm. “The start­ing algo­rithm may ini­tial­ly be devel­oped by human beings, but in devel­op­ing it fol­lows its own path and goes where no man has yet gone…, and where no man can fol­low it. “(HD 423). The spir­it blows wher­ev­er it wants.

 

And then, like any reli­gion, dataism is nat­u­ral­ly dom­i­nant and mys­ti­fy­ing, and there­fore fun­da­men­tal­ly questionable:

 

“It is doubt­ful whether life is real­ly reducible to data flows” (ibid). “… per­haps we will dis­cov­er that, all things con­sid­ered, organ­isms are not algorithms. »

 

What, like Noah’s ark, emerges from the Dadaist flood are doubts about life and liv­ing organ­isms; then, curi­ous­ly, about deci­sions, espe­cial­ly eco­nom­ic and polit­i­cal deci­sions. Are these irre­ducible, as vol­un­tary facts, to yes/no deci­sion cal­cu­la­tions? Or is it a ques­tion of safe­guard­ing some­thing in social organ­isms that escapes the algo­rith­mic necessity?

 

Dataism under­stands deci­sion-mak­ing process­es bet­ter and bet­ter, but it may well adopt an increas­ing­ly biased view of life (ibid). “Per­haps there is some­thing in the uni­verse that can­not be reduced to data. »

 

It is such (scep­ti­cal?) hypothe­ses that sig­nal that Y. N Harari, both denounces all reli­gion — and espe­cial­ly Chris­tian­i­ty and Com­mu­nism — for hav­ing gained con­sid­er­able pow­er “despite their fac­tu­al inac­cu­ra­cy”, and seeks to safe­guard some­thing. But this some­thing is not man under his homo sapi­ens modal­i­ty. What we need to save is a hum­ble rela­tion­ship between man, degrad­ed from his sapi­ence, and a great unknown per­son who forces us to con­cern our­selves with the imme­di­ate, to con­cen­trate on the aware­ness of our frag­ile low­li­ness and to regret the harm done to “infe­ri­or” creatures.

 

But should we sim­ply admit that human intel­li­gence is so total­ly replace­able by arti­fi­cial intel­li­gence that we have only this lit­tle defen­sive pride left?

 

Should­n’t we ask our­selves: If all monothe­is­tic or mono­lith­ic “reli­gions” are over­whelm­ing by their pow­er to impose decep­tive con­vic­tions, isn’t it Chris­tian­i­ty which, by preach­ing a sin­gle God, but Trini­tar­i­an and incar­nate, gives man the hum­ble pride of hav­ing been joined and enno­bled by a Father God — and not only Mas­ter and replace­able Tyr­i­an from age to age? To one man, it was said, of a giv­en nature and vari­able con­di­tion, includ­ing the encounter and access to sur­pris­ing capac­i­ties, but car­ry­ing hopes, and obvi­ous dan­gers, induced by devel­op­ments of an as yet unsus­pect­ed mag­ni­tude. A man to whom good and evil will nev­er be strangers.

 

Let us con­clude with Pro­fes­sor Harari who asks: “What will hap­pen to soci­ety, pol­i­tics and dai­ly life when uncon­scious but high­ly intel­li­gent algo­rithms know us bet­ter than we do? “(11D, 427) When the last star is extin­guished, the last trace of the spirit…

 

 

Philib­ert Secretan

 

 

Gene­va, 22 August 2018

 

 

 

[1]« A. Pérez de Labor­da, Una mira­da al ser. Encuen­tros, Madrid 2013. p, 491–503

 

 

 

2]Daniel Tritsch and Jean Mar­i­ani, Ça va la tête? Belin, Paris 2018, p.138–139.

 

 

 

3] Tomas­so Pog­gio and Frédéric de Combert, in “L’homme con­tin­ue d’avoir le dernier mot”, Le Monde (Hors série) March-May 2018, Dans la tête des robots, p.33.

 

 

 

4] In the sin­gu­lar uni­ty of the per­son, it is the spir­it that binds essence and exis­tence in ways that do not need to be fixed here.

 

 

 

5] Auguste Comte’s mis­take was to see in crit­i­cism only the neg­a­tive side, which he had to replace by the pos­i­tiv­i­ty of sci­ence, but then total­ly turned towards Being in all its aspects: reli­gious, social, scientific.

 

 

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