Si l’on établit un classe­ment inter­na­tion­al du nom­bre d’accusations de vio­la­tions des droits humains par des multi­na­tionales en rap­port avec le Pro­duit intérieur brut (PIB) par habi­tant, la Suisse se trou­ve, de manière peu glo­rieuse, dans le haut du tableau :

Ecouter l’interview d’Yvan Maillard Ardenti (Pain pour le Prochain) dans la Matinale de RTS du 13 sept. 18 :

Toutes Taxes Comprises, 04.04.2016, 20h14 : Notre invitée: Chantal Peyer, Cheffe d’équipe “Pain pour le Prochain”

 

Doc­u­ment orig­i­nal de l’é­tudes pub­liées le 13 sep­tem­bre 2018 :

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Doc­u­ment du mag­a­zine Perspectives : 

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Politique de droits humains et entreprises suisses : un état des lieux — Résumé de l’étude- 13 septembre 2018

Une économie mon­di­al­isée pré­sup­pose des règles inter­na­tionales qui garan­tis­sent le respect des droits humains par tous et pour tous. Sous l’égide de John Rug­gie, le Con­seil des droits de l’homme des Nations Unies a for­mulé des Principes directeurs relat­ifs aux entre­pris­es et aux droits del’homme. Gou­verne­ments, asso­ci­a­tions économiques, représen­tants syn­di­caux et organ­i­sa­tions non gou­verne­men­tales ont par­ticipé à ce proces­sus. Depuis l’adoption de ces Principes en juin 2011, le Con­seil fédéral a réaf­fir­mé à plusieurs repris­es leur impor­tance pour la Suisse : ils doivent devenir la pierre angu­laire des poli­tiques mis­es en place par les entre­pris­es en matière de respect des droits humains.

Dans cette recherche, Pain pour le prochain et Action de Carême étu­di­ent com­bi­en d’entreprisessuisses dis­posent aujourd’hui d’une poli­tique de droits humains qui s’applique à leurs fil­iales et à leurs four­nisseurs. Une dif­férence a été faite entre les poli­tiques de droits humains qui se réfèrent aux Principes directeurs de l’ONU et les codes de con­duite qui n’ont pas encore inté­gré ces Principes directeurs. Dans un pre­mier temps, nous avons procédé à une analyse quan­ti­ta­tive qui prend en compte les 200 plus grandes entre­pris­es suiss­es, soit les 100 sociétés cotées en bourse et les 100 sociétés non cotées en bourse ayant le plus gros chiffre d’affaires (chiffres de 2014). Dans un deux­ième temps, nous avons analysé qual­i­ta­tive­ment la poli­tique en matière de droits humains des 14 entre­pris­es qui ont leur siège prin­ci­pal en Suisse et font référence aux Principes de Rug­gie. Nous nous sommes intéressés à la manière dont elles met­tent con­crète­ment en oeu­vre leur devoir de dili­gence en matière de droits humains.

Peu d’entreprises pren­nent au sérieux les Principes directeurs de l’ONU. Les résul­tats quan­ti­tat­ifs de notre étude sont préoccupants :

  • 61,5 % des 200 sociétés analysées ne com­mu­niquent aucune infor­ma­tion quant à une poli­tique de droits humains. Elles ne men­tion­nent pas le devoir de dili­gence prévu par les Principes directeurs de l’ONU, pas plus que l’existence d’un éventuel Code de con­duite qui oblig­erait leurs fil­iales et leurs prin­ci­paux four­nisseurs à se con­former aux normes qu’ellesauraient établies en matière de respect des droits humains.
  • 27,5 % d’entre elles pub­lient un Code de con­duite s’appliquant à leur pro­pre entre­prise et à leurs prin­ci­paux fournisseurs.
  • 11 % (22) des firmes étudiées font référence aux Principes directeurs de l’ONU.
  • Des 22 entre­pris­es dis­posant d’une poli­tique de droits humains faisant référence aux­Principes directeurs de l’ONU, 8 sont des fil­iales de groupes étrangers, tan­dis que 14 sont desso­ciétés dont le siège prin­ci­pal ou admin­is­tratif se situe en Suisse.
  • Les entre­pris­es cotées en bourse sem­blent avoir un com­porte­ment plus con­séquent queleurs homo­logues non cotées en bourse : 19 des 22 sociétés dis­posant d’une poli­tique dedroits humains qui se réfèrent aux Principes directeurs sont cotées en bourse.
  • La plus grande par­tie des entre­pris­es qui recon­nais­sent ces Principes et les met­tent en par­tieen œuvre ont dû faire face, ces dernière années, à la pres­sion de l’opinion publique. Elles ont été accusées d’être à l’origine de vio­la­tions des droits humains ou de pol­lu­tions graves del’environnement.

Mal­gré des approches pos­i­tives, il reste beau­coup à faire. L’analyse qual­i­ta­tive com­plé­men­taire adon­né les résul­tats suivants :

  • La majorité des entre­pris­es ont engagé des spé­cial­istes de droits humains et ont un comité­du con­seil d’administration qui dis­cute plus ou moins régulière­ment de ces enjeux.
  • En général, des for­ma­tions en matière de droits humains à l’intention de la direc­tion ain­si que des col­lab­o­ra­teurs et des col­lab­o­ra­tri­ces sont mis­es en place ; elles revê­tent cepen­dant des formes différentes.
  • Les enjeux en matière de respect des droits humains sont moins élevés dans la hiérar­chie des poli­tiques internes des firmes que le devoir de dili­gence relatif au blanchi­ment d’argent, à la cor­rup­tion ou aux ques­tions de concurrence.
  • Aucune entre­prise n’intègre le respect des droits humains dans ses objec­tifs annuels déclarés. Les primes et les boni­fi­ca­tions de fin d’année ne dépen­dent d’ailleurs pas du respect de ce devoir de diligence.
  • Seules cinq entre­pris­es font appel à un insti­tut de recherche indépen­dant ou une organ­i­sa­tion non gou­verne­men­tale pour for­muler leur poli­tique de droits humains, voire con­trôler sa mise en oeuvre.
  • Neuf entre­pris­es ont com­mencé à réalis­er des études d’impact sur les droits humains de leurs activ­ités dans un pays don­né ou dans cer­tains pro­jets spé­ci­fiques (Human Rights Impact Assess­ment). Les approches et la qual­ité de ces études d’impact sont cepen­dant très vari­ables. Rares sont celles qui pub­lient leurs résul­tats in exten­so de manière explicite.
  • La com­mu­ni­ca­tion de ces entre­pris­es sur leur poli­tique de droits humains demeure insuff­isante et peu trans­par­ente. En règle générale, les rap­ports ren­dent compte des procé­dures mis­es en place, mais rarement des impacts con­crets sur les droits humains et des résul­tats enregistrés.L’analyse qual­i­ta­tive démon­tre donc que, par­mi les firmes qui ont com­mencé à met­tre en oeu­vre les Principes directeurs, il y a des pra­tiques nova­tri­ces qui émer­gent et qui sont, pour cer­taines, bien doc­u­men­tées. Toute­fois, chez d’autres firmes, les infor­ma­tions don­nées demeurent lacu­naires et dif­fi­ciles à com­par­er entre elles. Con­traire­ment à ce qu’exigent expressé­ment les Principes directeurs, les infor­ma­tions que com­mu­niquent ces sociétés ne per­me­t­tent que rarement de vérifierl’efficacité des mesures pris­es et donc si elles sat­is­font à leur devoir de dili­gence. Un exem­ple montrequ’il est pour­tant pos­si­ble d’être plus trans­par­ent : l’entreprise en ques­tion a com­mu­niqué les prin­ci­paux élé­ments de ses études d’impacts, détail­lant des exem­ples très con­crets relat­ifs au respect des droits humains et les solu­tions mis­es en place pour y remédier.Conclusions : Impos­er un cadre juridique­ment con­traig­nant aux entre­pris­es est indis­pens­able car les mesures volon­taires en matière de droits humains ne suff­isent pas.

L’étude de Pain pour le prochain et Action de Carême aboutit à trois conclusions :

  • Jusqu’à présent, seules quelques entre­pris­es ont repris à leur compte les Principes directeurs­de l’ONU relat­ifs aux entre­pris­es et aux droits de l’homme dans leur pro­pre poli­tique en matière de droits humains. En out­re, elles ne se con­for­ment que par­tielle­ment à ces normes inter­na­tionales ou alors en sont au stade de pro­jets pilotes.
  • Il faut des lois et des dis­po­si­tions règle­men­taires pour toutes les entre­pris­es ; c’est la seule­manière de s’assurer que toutes les entre­pris­es, sans excep­tion, assu­ment leur devoir de dili­gence, y com­pris dans leurs fil­iales et dans l’ensemble de leur chaine de production.
  • Un devoir de dili­gence juridique­ment con­traig­nant, tel que le prévoit l’initiative « Pour des multi­na­tionales respon­s­ables », per­me­t­trait d’éviter un désa­van­tage con­cur­ren­tiel pour lesen­tre­pris­es qui s’engagent déjà à respecter les droits humains.

SWITZERLAND 13 Sept. 2018 — Bread for All and Fastenopfer: A Swiss multinational is involved almost every month in human rights violations

Human rights policy and Swiss companies: an overview Summary (September 13 2018)

A glob­al­ized econ­o­my pre­sup­pos­es inter­na­tion­al rules that guar­an­tee respect for human rights for all and for all. Under the lead­er­ship of John Rug­gie, the Unit­ed Nations Human Rights Coun­cil has for­mu­lat­ed Guide­lines on Busi­ness and Human Rights. Gov­ern­ments, busi­ness asso­ci­a­tions, trade union rep­re­sen­ta­tives and non-gov­ern­men­tal orga­ni­za­tions par­tic­i­pat­ed in this process. Since the adop­tion of these Prin­ci­ples in June 2011, the Fed­er­al Coun­cil has repeat­ed­ly reaf­firmed their impor­tance for Switzer­land: they must become the cor­ner­stone of com­pa­nies’ human rights policies.
In this research, Bread for All and Fas­tenopfer are study­ing how many Swiss com­pa­nies now have a human rights pol­i­cy that applies to their sub­sidiaries and sup­pli­ers. A dif­fer­ence has been made between human rights poli­cies that refer to the UN Guide­lines and codes of con­duct that have not yet incor­po­rat­ed the Guide­lines. First, we car­ried out a quan­ti­ta­tive analy­sis that takes into account the 200 largest Swiss com­pa­nies, i.e. the 100 list­ed com­pa­nies and the 100 unlist­ed com­pa­nies with the high­est turnover (2014 fig­ures). In a sec­ond step, we qual­i­ta­tive­ly analysed the human rights pol­i­cy of the 14 com­pa­nies head­quar­tered in Switzer­land and refer­ring to the Rug­gie Prin­ci­ples. We looked at how they are actu­al­ly imple­ment­ing their human rights due diligence.

Few com­pa­nies take the UN Guide­lines seri­ous­ly. The quan­ti­ta­tive results of our study are worrying:
— 61.5% of the 200 com­pa­nies analysed do not pro­vide any infor­ma­tion on a human rights pol­i­cy. They do not men­tion the duty of care pro­vid­ed for in the UN Guide­lines, nor the exis­tence of a pos­si­ble Code of Con­duct that would oblige their sub­sidiaries and main sup­pli­ers to com­ply with the stan­dards they have estab­lished in terms of respect for human rights.
— 27.5% of them pub­lish a Code of Con­duct applic­a­ble to their own com­pa­ny and main suppliers.
— 11% (22) of the firms sur­veyed refer to the UN Guidelines.
— Of the 22 com­pa­nies with a human rights pol­i­cy that refers to
UN Guide­lines, 8 are sub­sidiaries of for­eign groups, while 14 are
com­pa­nies whose main or admin­is­tra­tive head­quar­ters are locat­ed in Switzerland.
— List­ed com­pa­nies seem to be behav­ing more con­sis­tent­ly than
their unlist­ed coun­ter­parts: 19 of the 22 com­pa­nies with a pol­i­cy of
human rights that refer to the Guid­ing Prin­ci­ples are list­ed on the stock exchange.
— The major­i­ty of com­pa­nies that rec­og­nize these Prin­ci­ples and imple­ment them in part have faced pub­lic pres­sure in recent years. They have been accused of caus­ing human rights vio­la­tions or seri­ous envi­ron­men­tal pollution.
Despite pos­i­tive approach­es, much remains to be done. The addi­tion­al qual­i­ta­tive analy­sis yield­ed the fol­low­ing results:
— Most com­pa­nies have hired human rights spe­cial­ists and have a com­mit­tee of the board of direc­tors that dis­cuss­es these issues more or less regularly.
— In gen­er­al, human rights train­ing for man­age­ment and staff is pro­vid­ed, but in dif­fer­ent forms.
— The stakes in terms of respect for human rights are low­er in the hier­ar­chy of firms’ inter­nal poli­cies than the duty of dili­gence with regard to mon­ey laun­der­ing, cor­rup­tion or com­pe­ti­tion issues.
— No com­pa­ny includes respect for human rights in its stat­ed annu­al objec­tives. Pre­mi­ums and bonus­es at the end of the year do not depend on com­pli­ance with this duty of care.
— Only five com­pa­nies use an inde­pen­dent research insti­tute or a non-gov­ern­men­tal orga­ni­za­tion to for­mu­late their human rights pol­i­cy or even mon­i­tor its implementation.
— Nine com­pa­nies have start­ed to car­ry out human rights impact assess­ments of their activ­i­ties in a giv­en coun­try or in spe­cif­ic projects (Human Rights Impact Assess­ment). How­ev­er, the approach­es and qual­i­ty of these impact stud­ies vary wide­ly. Few pub­lish their results in full explicitly.

- The com­mu­ni­ca­tion of these com­pa­nies on their human rights poli­cies remains insuf­fi­cient and not very trans­par­ent. In gen­er­al, the reports report on the pro­ce­dures put in place, but rarely on the con­crete impacts on human rights and the results achieved.
The qual­i­ta­tive analy­sis there­fore shows that, among the firms that have begun to imple­ment the Guide­lines, there are inno­v­a­tive prac­tices that are emerg­ing and some of which are well doc­u­ment­ed. How­ev­er, for oth­er firms, the infor­ma­tion pro­vid­ed remains incom­plete and dif­fi­cult to com­pare with each oth­er. Con­trary to the express require­ments of the Guide­lines, the infor­ma­tion pro­vid­ed by these com­pa­nies is rarely suf­fi­cient to ver­i­fy the effec­tive­ness of the mea­sures tak­en and there­fore whether they meet their due dili­gence oblig­a­tions. One exam­ple shows that it is pos­si­ble to be more trans­par­ent: the com­pa­ny in ques­tion has pro­vid­ed the main ele­ments of its impact stud­ies, detail­ing very con­crete exam­ples of respect for human rights and the solu­tions put in place to rem­e­dy them.

Con­clu­sions: Impos­ing a legal­ly bind­ing frame­work on com­pa­nies is essen­tial because vol­un­tary human rights mea­sures are not enough. The study of Bread for All and Fas­tenopfer leads to three conclusions:
— So far, only a few com­pa­nies have incor­po­rat­ed the UN Guide­lines on Busi­ness and Human Rights into their own human rights poli­cies. In addi­tion, they only par­tial­ly com­ply with these inter­na­tion­al stan­dards or are in the pilot project stage.
— Laws and reg­u­la­tions are need­ed for all com­pa­nies; this is the only way to ensure that all com­pa­nies, with­out excep­tion, assume their duty of care, includ­ing in their sub­sidiaries and through­out their pro­duc­tion chain.
— A legal­ly bind­ing duty of care, as pro­vid­ed for in the “For Respon­si­ble Multi­na­tion­als” ini­tia­tive, would avoid a com­pet­i­tive dis­ad­van­tage for com­pa­nies that are already com­mit­ted to human rights.