L’homélie intégrale du Pape pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié

En ce dimanche 14 jan­vi­er 2018, le Pape François a présidé une messe pour la Journée mon­di­ale du migrant et du réfugié en la basilique Saint-Pierre au Vat­i­can, en présence de migrants et réfugiés orig­i­naires de 49 pays. Quelques 70 représen­tants diplo­ma­tiques accrédités près le Saint-Siège et l’Italie, étaient égale­ment présents.

Au total, 9 000 bil­lets avaient été dis­tribués. Par­mi les migrants et réfugiés présents se trou­vaient 200 Indi­ens de rite latin, 450 Indi­ens de rite syro-mal­abar, 50 Libanais maronites, quelques 800 Roumains de rite latin et quelques Roumains de rite gré­co-catholique, une trentaine de Mal­gach­es, 60 Syro-anti­ochiens, plus de 1 200 Ukrainiens de rite gré­co-catholique et 35 Ukrainiens de rite latin; mais aus­si, 150 Sri-Lankais, 200 Capver­di­ens, plus de 2 000 Philip­pins, 10 Melkites et 25 Chi­nois, indique une note de la Salle de presse du Saint-Siège.

L’intégralité de l’homélie du Saint-Père:

Cette année, j’ai voulu célébr­er la Journée Mon­di­ale du Migrant et du Réfugié par une messe à laque­lle vous avez été invités, vous en par­ti­c­uli­er, migrants, réfugiés et deman­deurs d’asile. Cer­tains d’entre vous sont arrivés depuis peu en Ital­ie, d’autres y rési­dent et y tra­vail­lent depuis de nom­breuses années, et d’autres encore con­stituent ce qu’on appelle les «deux­ièmes générations».

Tous ont enten­du réson­ner dans cette assem­blée la Parole de Dieu, qui nous invite aujourd’hui à appro­fondir l’appel spé­cial que le Seigneur adresse à cha­cun de nous. Comme il l’a fait avec Samuel (cf. 1 S 3, 3b-10.19), il nous appelle par notre nom ‑à cha­cun de nous- et nous demande d’honorer le fait que nous avons été créés comme des êtres absol­u­ment uniques, tous dif­férents entre nous et avec un rôle sin­guli­er dans l’histoire du monde. Dans l’Évangile (cf. Jn 1, 35–42), les  deux dis­ci­ples de Jean deman­dent à Jésus: «Où demeures-tu ?» (v. 38), lais­sant enten­dre que, de la réponse à cette ques­tion, dépend leur juge­ment sur le maître de Nazareth. La réponse de Jésus est claire: «Venez et voyez !» (v. 39), et ouvre à une ren­con­tre per­son­nelle, qui com­porte un temps appro­prié pour accueil­lir, con­naître et recon­naître l’autre.

        Dans le Mes­sage pour la Journée d’aujourd’hui, j’ai écrit: «Tout immi­gré qui frappe à notre porte est une occa­sion de ren­con­tre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueil­li ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43)». Et, pour l’étranger, le migrant, le réfugié, l’exilé et le deman­deur d’asile, chaque porte de la nou­velle terre est aus­si une occa­sion de ren­con­tre avec Jésus. Son invi­ta­tion «Venez et voyez !» nous est aujourd’hui adressée à tous, com­mu­nautés locales et nou­veaux arrivés. C’est une invi­ta­tion à sur­mon­ter nos peurs pour pou­voir aller à la ren­con­tre de l’autre, pour l’accueillir, le con­naître et le recon­naître. C’est une invi­ta­tion qui offre l’opportunité de se faire le prochain de l’autre pour voir où et com­ment il vit. Dans le monde d’aujourd’hui, pour les nou­veaux arrivés, accueil­lir, con­naître et recon­naître sig­ni­fie con­naître et respecter les lois, la cul­ture et les tra­di­tions des pays où ils sont accueil­lis.Cela sig­ni­fie égale­ment com­pren­dre leurs peurs et leurs appréhen­sions vis-à-vis de l’avenir. Et pour les com­mu­nautés locales, accueil­lir, con­naître et recon­naître sig­ni­fie s’ouvrir à la richesse de la diver­sité sans préjugés, com­pren­dre les poten­tial­ités et les espérances des nou­veaux arrivés, de même que leur vul­néra­bil­ité et leurs craintes.

La vraie ren­con­tre avec l’autre ne s’arrête pas à l’accueil, mais elle nous invite tous à nous engager dans les trois autres actions que j’ai mis en évi­dence dans le Mes­sage pour cette Journée: pro­téger, pro­mou­voir et inté­gr­er. Et, dans la ren­con­tre vraie avec le prochain, serons-nous capa­bles de recon­naître Jésus-Christ, qui demande d’être accueil­li, pro­tégé, pro­mu et inté­gré? Comme nous l’enseigne la parabole évangélique du juge­ment dernier: le Seigneur avait faim, il avait soif, il était assoif­fé, malade, étranger et en prison et il a été sec­ou­ru par cer­tains, mais pas par d’autres (cf. Mt 25, 31–46). Cette vraie ren­con­tre avec le Christ est source de salut, un salut qui doit être annon­cé et apporté à tous, comme nous l’enseigne l’apôtre André. Après avoir révélé à son frère Simon: «Nous avons trou­vé le Messie» (Jn 1, 41), André le con­duit à Jésus, afin qu’il fasse, lui aus­si, cette même expéri­ence de la rencontre.

Il n’est pas facile d’entrer dans la cul­ture des autres, de se met­tre à la place de per­son­nes si dif­férentes de nous, de com­pren­dre leurs pen­sées et leurs expéri­ences. Ain­si nous renonçons sou­vent à ren­con­tr­er l’autre et nous élevons des bar­rières pour nous défendre. Les com­mu­nautés locales ont par­fois peur que les nou­veaux arrivés per­turbent  l’ordre établi, “volent” quelque chose de ce que l’on a con­stru­it pénible­ment. Les nou­veaux arrivés aus­si ont des peurs: ils craig­nent la con­fronta­tion, le juge­ment, la dis­crim­i­na­tion, l’échec. Ces peurs sont légitimes, elles se fondent sur des doutes par­faite­ment com­préhen­si­bles d’un point de vue humain. Ce n’est pas un péché d’avoir des doutes et des craintes. Le péché, c’est de laiss­er ces peurs déter­min­er nos répons­es, con­di­tion­ner nos choix, com­pro­met­tre le respect et la générosité, ali­menter la haine et le refus. Le péché, c’est de renon­cer à la ren­con­tre avec l’autre, à la ren­con­tre avec celui qui est dif­férent, à la ren­con­tre avec le prochain, alors que cela con­stitue, de fait, une occa­sion priv­ilégiée de ren­con­tre avec le Seigneur.

C’est de cette ren­con­tre avec Jésus présent dans le pau­vre, dans celui qui est rejeté, dans le réfugié, dans le deman­deur d’asile, que jail­lit notre prière d’aujourd’hui. C’est une prière réciproque: migrants et réfugiés prient pour les com­mu­nautés locales, et les com­mu­nautés locales prient pour les nou­veaux arrivés et pour les migrants de long séjour. Nous con­fions à l’intercession mater­nelle de la Très Sainte Vierge Marie les espérances de tous les migrants et de tous les réfugiés du monde, ain­si que les aspi­ra­tions des com­mu­nautés qui les accueil­lent pour que, con­for­mé­ment au com­man­de­ment divin le plus élevé de la char­ité et de l’amour du prochain, nous appre­nions tous à aimer l’autre, l’étranger, comme nous nous aimons nous-mêmes.